Numéro 1- 2023

Mot de la Directrice de MINEA

L’Unité de Recherche MINEA – UR 7485 (Migrations, Interculturalité et Éducation en Amazonie) est constituée d’une équipe pluridisciplinaire qui ambitionne de se développer et d’œuvrer dans le cadre des thématiques prioritaires définies par l’École doctorale (ED 587) de l’Université de Guyane. Les chercheurs de cette structure veulent répondre aux enjeux socio-économiques dans l’espace amazonien et caribéen, en se focalisant sur trois programmes de recherche : les espaces amazoniens : dynamiques, tensions et développement ; le patrimoine matériel et immatériel amazonien ; démocraties et populations amazoniennes au XXIe siècle.

L’Amazonie et la Caraïbe constituent des territoires éminemment disparates et il nous paraît légitime de chercher à comprendre leurs genèses, ainsi que les évolutions de ces espaces géographiques dans lesquels les antagonistes s’accumulent. La région amazonienne connaît au fil des ans de multiples bouleversements. Face à une population croissante, surdensitaire et aux difficultés pour accéder notamment à l’emploi, voire au logement, les constats et les interrogations fusent.

Vous pourrez découvrir, dans ce numéro et dans les prochains, des clefs d’analyses quant à l’articulation des dynamiques dans les espaces amazoniens et caribéens, et cela, dans les domaines des arts, de la littérature, de la linguistique, des langues vivantes, de l’anthropologie, de la sociologie, de la psychologie, de l’histoire, de la géographie, des sciences économiques, juridiques et de l’éducation.

La Revue Cahiers de l’Amazonie est accessible en ligne annuellement à l’adresse suivante :
https://minea.univ-guyane.fr/revue-cadam/

Pour leur soutien et leur collaboration à divers titres, la Direction de MINEA remercie vivement les membres des divers comités, ainsi que les évaluateurs externes.

Éditorial

Chers lecteurs,

Ce premier numéro de la Revue Cahiers de l’Amazonie (CADAM) traduit l’affirmation d’un parcours d’expériences conduites sous la coordination d’une équipe d’enseignants-chercheurs de disciplines différentes, animée par la connaissance des problématiques de sociétés qui traversent les pays de l’Amazonie-Caraïbe.

Cette région du monde est aux prises avec des thématiques variées dans le domaine des sciences humaines et sociales. Ce premier numéro en est révélateur : si certaines contributions portent sur les dynamiques et les enjeux des phénomènes migratoires ; d’autres mettent en lumière des réflexions juridiques sur des thèmes d’actualité, comme la protection majeure de l’environnement ou les dix ans du mariage pour tous sur le Plateau des Guyanes et au-delà. L’intégration de toutes les approches transversales et transdisciplinaires permet de mieux éclairer la connaissance de ces grands territoires. Par ces différents regards, les liens entre la Caraïbe insulaire et le continent sud-américain se redécouvrent. Dans cette même perspective, des recensions, résumés d’ouvrages et une bibliographie francophone sélective, seront, pour chaque numéro de la revue CADAM, proposés afin de dresser un état des lieux des travaux scientifiques portant sur les pays de l’Amazonie-Caraïbe.

Toute l’équipe de la rédaction vous souhaite une bonne lecture.

Articles 

Par Marc LONY

Associate Professor
Loyola Marymount University
Los Angeles

 

 « – Comment t’appelles-tu ? Quel âge as-tu ? Ça va à l’école ?

[…]

J’ai fait sèchement :

– Oh non, ça ne va pas du tout. Mon père me dit que je finirai par charroyer du fumier comme les Haïtiens.

Il a haussé les épaules :

– Ton père a tort de dire des choses pareilles. Les Haïtiens sont un grand peuple. J’en ai connu en Amérique, en Angola, au Zaïre surtout ! »[1]

 

 

De nos jours, mondialisation et globalisation ont strié le monde d’une incessante mobilité, d’un entrecroisement de lignes de fuite, souvent brisées, à travers les mers, les déserts, les forêts, les continents. Un nombre incalculable d’individus dépossédés trouvent refuge dans des logements de fortune, dans des camps, ou dans des zones urbaines où se côtoient les communautés misérables rejetées à cause de leur indigence et entassées en ghettos[2]. Sans doute faut-il reconnaître que le sens des déplacements s’est inversé selon un poids économique du plus léger au plus lourd, des espaces les plus étendus vers les plus réduits. D’autre part, si l’importance ou la densité des flux a un impact économique, politique, psychologique sur les sociétés d’accueil, l’apparition de l’étranger au sein du familier peut avoir le pouvoir d’un révélateur sur les tensions latentes qui existent entre individus et sur la capacité d’ouverture ou de résonance de la dimension affective relationnelle[3]. Enfin, si la mobilité spatiale a toujours existé avant l’ampleur qu’elle a prise aujourd’hui, on ne peut en exclure ni celle des aventuriers, explorateurs hardis ou exilés volontaires, ni celle des gens de l’or qui se déplacent d’un placer aurifère à l’autre[4], ni celle des déplacements de commodité, ni surtout celle des migrations forcées tenues à fond de cale pour les populations nées de la Traite, et qui avec le temps se sont inscrites dans un contexte de transformation identitaire et sociale.

 

C’est tout cela que Maryse Condé a voulu représenter dans Traversée de la Mangrove, roman de corps plongés dans un tissu de raccordements entre parcours et discours et dont le titre oscille à mi-chemin entre le littéral et le symbolique. Publié en 1989, le roman met en scène une communauté de déplacés sous le ciel guadeloupéen. La mort soudaine d’un des leurs provoque, par un travail de traversée labyrinthique des mémoires, un appel à la transparence et à la reconstitution des positions et des projets. L’existence de Maryse Condé elle-même est inscrite dans de multiples traversées, migrations de commodité et de nécessité. La Mangrove pourrait symboliser l’état du monde au présent avec ses chemins de traverse, son entrelacs de racines, sa résilience, et le jeu d’échanges et de métamorphoses qu’elle permet. Ainsi Maryse Condé met en place le défi posé par les migrations en termes de pluralisme culturel et de fragmentation sociale dans la petite communauté ciblée de Rivière au Sel, en Guadeloupe. Un ensemble d’événements en apparence isolés, insignifiants les uns pour les autres, vont glisser les uns vers les autres mûs par le double jeu du magnétisme et de la résonance. C’est, selon l’expression d’Anouchka Vasak, une histoire météore, histoire pensée en stries, en gouttelettes, en glissements et en résistances. Imprégnée des travaux de Philippe Lejeune autour du concept de variabilité dans l’établissement de combinaisons, Anouchka Vasak développe l’idée d’une histoire météore faite de transformations imperceptibles qui préparent ou préfigurent une crise. Ici, l’ordre artificiel d’un microcosme social se trouve soumis à une sorte de révolution traumatique résultant de la venue brutale d’un étranger énigmatique et remarquable[5]. Mais n’est-ce pas là, la caractéristique habituelle de l’étranger, d’être remarqué de prime abord dans sa différence, par l’apparence, le comportement, l’accent ou la langue ? Tout commence par la mort de ce dernier venu, Francis Sancher, dont l’intrusion a ébranlé la psycho-rigidité de cadres identitaires ankylosés par les croyances et les traditions. Le deuil est l’occasion d’une remise en question individuelle et d’un renouveau pour la communauté, d’une naissance hors des ruines, des cendres, des effondrilles. Dans le creuset de la petite communauté, Condé expose les tourments du Mal du siècle moderne qui frappe les populations soumises aux orages des guerres, des famines, à l’aliénation de leurs désirs de richesse ou de changement aiguillonnés par les images fascinantes d’un ailleurs miroitant. Chacun a de bonnes raisons de se trouver dans ce coin perdu de la Guadeloupe ou d’en être parti. À l’exception de Désinor le Haïtien qui porte les stigmates de l’abjection, on aperçoit de manière assez fugace les ouvriers haïtiens légaux ou clandestins qui travaillaient comme coupeurs de canne à leur arrivée, on entre dans les secrets des Ramsaran et des Lameaulnes, riches descendants d’Indiens et de Békés qui se sont exilés là, on voit aller et venir les fonctionnaires étriqués dépassés par leurs rêves d’ailleurs, on entend les propos nostalgiques évoquant les enfants partis en métropole, en Guyane où se trouve l’or et le bois, en Amérique du Nord ou du Sud. Aux quatre coins de l’espace du récit et de l’horizon du hameau, des pôles d’attraction clignotent : Miami où Moïse le facteur a rêvé d’être boxeur, l’Amérique ou la métropole pour les fils Lameaulnes, l’Australie pour le père Lameaulnes, l’Inde où Sylvestre Ramsaran a rêvé de repartir, le Canada où a étudié Marius Vindrex, New York dont rêve Désinor le Haïtien. Et puis il y a Xantippe l’originel venu du fond des âges accroché à un passé sombre et enfermé dans le malheur de sa couleur de « Nègre noir comme le deuil »[6]. Le monde rayonne de tous ces fils tissés en réseau. Sur la grille des entrées et des sorties se greffe la grille de mélanges plus anciens résultant d’autres entrées et d’autres sorties dans une mise en abyme inépuisable d’historiettes et de recoupements.

La situation décrite est spécifique à la Guadeloupe mais peut être transposée au sens large à d’autres départements d’Outre-mer, et en particulier à la Guyane, considérant le brassage multiethnique de sa population. Cependant, c’est à Rivière au Sel que l’auteur plante le décor et dresse l’état des lieux. Le nom de la localité est ambigu et revêt soit un sens mélioratif en évoquant ce qui éveille l’intérêt, qui a de la saveur, du piquant, soit le sens péjoratif d’une eau imbuvable. Il peut également évoquer la mangrove où se marient eau douce et eau salée et dont nous savons qu’elle participe de la Poétique de la relation d’Edouard Glissant et de l’identité créole. On peut aussi penser à un creuset de larmes, de regrets, et de sang de toutes les victimes de l’histoire et de tous les désorientés qui, fuyant des situations de terreurs ou de misère, se sont arrêtés là, dans ce non-lieu dont le nom oriente le sens[7]. Les propos sucrés-salés évoquant attraction et répulsion, tenus lors de la veillée mortuaire, aiguillent vers la sapidité de ce qui surprend et déçoit, qui irrite les papilles et le palais, qui fait perdre la saveur des choses, qui enlève leur goût aux nourritures terrestres, qui assèche et fait gonfler les langues puisqu’on parle aussi bien de paroles salées pour des propos acrimonieux, des rancœurs remâchées. Cette sensation de dégoût maintient dans un état d’insatisfaction chronique et tend vers le désir d’une eau plus douce, d’une pluie salutaire qui lavera les corps et les âmes de tous les péchés du monde, selon la perspective chrétienne. C’est donc la pluie qui ponctuera la fin du roman. Pour en finir avec le nom, l’ethnologue Baj Strobel rapporte l’opposition entendue lors d’une étude dans un hameau d’orpailleurs en Guyane, entre une terre de sel et une terre d’eau : « La terre des Antilles est chaude, gorgée de sel, elle est grasse et riche […]. La terre de Guyane est légère, froide, gorgée d’eau douce, et c’est pourquoi les plants pourrissent et se gâtent à l’air. C’est une terre à métal et non une terre à manger »[8].

 

C’est donc dans les sillons de cette terre gorgée de sel propre à exprimer les goûts et les dégoûts que tout commence à l’occasion de la veillée mortuaire de cet étranger arrivé comme un égaré mais avec la force de sa voix, de son teint clair et de son origine cubaine, et qui a pour un temps partagé la vie des villageois, se faisant aimer, détester, admirer, avant de mourir brusquement, sans que rien ne l’ait laissé prévoir. Sa personnalité forte, ses discours sont toujours restés opaques, et chaque représentant de la petite communauté réunie autour de son cercueil laisse vagabonder ses pensées autour de trois grandes questions cousues les unes aux autres : comment cet homme est-il entré dans ma vie ? Quelle vie est la mienne ? Comment (mieux) orienter mon existence ? Partant de la désorientation et de l’hébétement nés du drame, les personnages se livrent à une véritable introspection montrant la manière dont chacun s’est lentement envasé dans la mangrove pluriculturelle, impuissant à tracer sa propre voie, à se libérer des sentiments d’aliénation et de fatalité. Dans le tissu romanesque, l’auteur injecte la dimension historique du pluriculturalisme guadeloupéen et les différentes façons dont il s’inscrit dans les destinées personnelles. Sur le tissu apparemment lisse de la communauté a chuté un météore dont l’onde de choc révèle une trame usée. Chaque personnage, réveillant sa mémoire endolorie, remonte le cours de son histoire et chaque histoire se rattache de façon plus ou moins lâche aux autres. Toutes ces histoires entremêlées, tenues les unes aux autres, sont portées par la vague de l’Histoire où elles sont marquées par le poinçon d’événements historiques. À l’origine de l’organisation de l’espace en zones de déséquilibres se trouve une configuration de points de tolérance et d’exclusion, indique le philosophe Philippe Quéau : « On en vient donc insensiblement à l’idée d’une théorie générale des interactions entre les vivants et leurs milieux, qui situerait leurs relations dans un réseau ou dans un ensemble de réseaux complexes »[9]. En d’autres termes écologiques et revenant sur le sens donné à la notion d’habiter le monde, Tim Ingold l’a montré récemment, il y aurait une lecture de l’existence et du monde à effectuer en termes de lignes, de cheminements. Chaque point étant le départ ou l’arrivée d’une ligne, chaque individu ou objet étant le produit de connexions et de transports. Il faudrait aujourd’hui modifier nos outils d’analyse et comprendre le monde non comme une surface mais comme une texture, un entrelacs de lignes et de nœuds[10]. C’est à cela que s’emploie Maryse Condé quand elle expose, par exemple, la rapide et nécessaire configuration de la motivation touristique avec la mise en place et la désignation d’un nœud d’attraction comme appât.

 

« Je suis allé en Martinique et j’ai visité le jardin de Balata. Un type a eu l’idée de faire pousser toutes qualités de fleurs dans la propriété de changement d’air de sa grand-mère. Et les touristes viennent de partout et paient pour entrer. Pourquoi pas nous ? Nous avons de la terre à revendre et le climat qu’il faut.

Mon père a ricané :

– Sauf que les touristes ne viennent jamais par ici !

– Ils viendront s’il y a quelque chose à voir ![11]»

 

Nous vivons une drôle d’époque où un lieu abandonné et sans qualité particulière peut être mis en valeur et catalogué de manière attrayante, pour attirer des hordes de curieux pressés de consommer par distraction et pour qui voyager n’est qu’un moyen. C’est le luxe de la mobilité touristique qui voyage mue par l’avidité de consommer n’importe quoi, explique l’ethnologue Marc Augé. Le scandale, pour lui, est dans le fait que cette mobilité du luxe croise avec éclat celle de ceux pour qui la mobilité « est un destin ou une fatalité »[12]. Dans le roman et dans un registre similaire, Aristide se demande « à quoi ressemblait son île avant que l’avidité et le goût de lucre des colons ne la mettent à l’encan »[13], et Léocadie la vieille institutrice qui a été la première à avoir découvert le corps de Sancher qu’elle détestait, brosse un tableau éloquent d’un pays qu’elle souffre de considérer comme n’étant plus le sien. L’immigration n’est pas pour elle un enrichissement mais une perte qui commence par la métamorphose du paysage et du patrimoine culturel : « j’étais bien de l’avis de ceux qui s’apprêtaient à envoyer une lettre recommandée au maire pour qu’on l’expulse comme les Haïtiens et les Dominicains qui transforment les terrains de football de Petit Bourg en terrains de cricket »[14]. Poser la question de l’immigration c’est aussi poser la question du pluralisme culturel et la remarque amère et naïve de Léocadie Timothée résonne bien au-delà des frontières guadeloupéennes puisque le cricket est d’abord un sport britannique exporté dans les colonies anglaises et devenu un instrument liant la classe et la race. C’est ce qu’explique Arjun Appadurai pour qui le cricket s’est profondément indigénisé et décolonisé dans l’Inde coloniale, soit à cause de « structures mythiques sous-tendant ce sport qui le rendent profondément indien en dépit de ses origines occidentales », soit parce que « le cricket s’est indigénisé à travers un ensemble de processus complexes et contradictoires, parallèles à l’émergence d’une ‘nation’ indienne issue de l’Empire britannique »[15].

 

Nous sommes à Basse-terre. Pas très loin de La Pointe et de Petit-Bourg. L’endroit est retiré, désespérant, cerné par la forêt hygrophile au pied de la Souffrière. La question de la modernité pourtant y est sensible et l’on se demande jusqu’à quel point la Guadeloupe peut rester elle-même aux yeux des Guadeloupéens, se maintenir, tout en accueillant en elle du nouveau, en termes de flux migratoires, de techniques, de critères socio-économiques et esthétiques : « Traditionnellement, les gens de Rivière au Sel étaient des travailleurs du bois. Dans le temps, certains partaient à l’assaut des géants de la forêt dense. Ils vous couchaient et vous débitaient des acomat-boucan, des bois-rada ou des gommiers blancs en un tournemain […] Ces jours-là ne sont plus, hélas, depuis que la Guadeloupe marâtre ne nourrit plus ses enfants et que tant d’entre eux se gèlent les pieds en région parisienne »[16]. Le fait est que la canne ayant été abandonnée, les deux grosses fortunes de Rivière au Sel se sont constituées sur l’horticulture, la banane et l’aquaculture. On note toutefois l’accent nostalgique devant une sorte de régression historique qui frappe la société moderne. La désaffection vis-à-vis de métiers traditionnels devenus trop pénibles produit un renversement des valeurs et une dévalorisation des tâches par le transfert de spécialités à des populations infériorisées. Autrefois, le Guadeloupéen était un travailleur infatigable, un bâtisseur. À l’opposé, « dans la Guadeloupe d’aujourd’hui ce qui comptait, ce n’était plus la couleur de la peau, enfin plus seulement, ni l’instruction. C’étaient nos pères qui s’échinaient pour pouvoir coller sur leurs cloisons des diplômes de papier sur lesquels chiaient les mouches. À présent, les bacheliers, brodeurs de français-français, assis sur le pas de leurs portes, attendaient leurs chèques de l’A.N.P.E. Non, ce qui comptait c’était l’argent »[17]. C’est le père Ramsaran qui a cette réflexion amère. Pourquoi s’échiner comme les parents pour obtenir un aussi piètre résultat ? S’échiner paraît de trop quand la morale et l’idéal ont laissé la place au calcul et au parasitisme. Ce qui comptait pour Sylvestre ruminant le mariage avorté de sa fille avec un homme fortuné, c’étaient les stratégies d’enrichissement dans une société inévitablement façonnée en hiérarchies : forts, faibles, parasites. Peu importent les rêves étouffés, l’horizon barré. Peu importe si l’agitation en vase clos tendue vers le profit personnel fait peu de remous dans la stagnation globale. Tout est finalement à l’image de la mangrove, de la végétation où chaque espèce s’épanouit en faisant obstacle aux autres, en se suçotant, en s’étouffant et où chacune pourrait rejeter la responsabilité de cet étouffement sur l’autre. La description désespérante faite par Dodose Pélagie en témoigne :

 

« Je hais ce lieu d’ombre et d’humidité ! L’œil cherche le ciel et ne le voit pas, barré qu’il est par les pois-doux, les génipas ou les immortels géants protégeant les bois d’Inde, les gliricidias ou les poiriers-pays, protégeant à leur tour les merisiers-montagne ou les goyaviers bâtards. Toutes ces créatures sans âge enfonçant leurs pesantes racines dans le sombre sol spongieux tandis que se balancent à hauteur de visage les lianes pointant leurs langues bifides et que, voraces, les épiphytes se repaissent des troncs et des branches »[18].

 

Même le monde naturel est stratifié et organisé selon une angoissante connexité. La prolifération végétale, hiérarchisée et attachée à sa survie dans une croissance massive, est mise en résonance négative avec le réseau d’échange humain entré en crise pour avoir rêvé de rééquilibrer les nœuds d’intensité de son réseau autour de la personne de Sancher. On peut remarquer par ailleurs l’indifférence de la nature qui enserre l’humain à l’intérieur de la prison végétale où il s’est lui-même enfermé. Pourtant, ayant fait l’état des lieux de sa condition, Dodose Pélagie prendra la décision de partir, elle puisera la force et le courage de s’en extirper afin de s’occuper de son fils mal aimé : « J’irai au bout du monde s’il le faut. Je laisserai Emmanuel [son mari], enfermé dans ses rancœurs et Rivière au Sel, à ses petitesses immuables »[19] Les débats sur l’immigration en reviennent à une catégorisation fondée sur une désaffection pour certains métiers pénibles, ou peu gratifiants économiquement ou socialement. La théorie de la surquantité et de la saturation est opposée à celle du besoin lié au vide par manque de bras et d’enthousiasme : « Dès qu’on avait entendu que c’était un Cubain, papa avait déclaré qu’il y avait trop d’étrangers en Guadeloupe et qu’il aurait fallu l’expulser avec tous ces Dominicains et ces Haïtiens »[20]. Mais la remarque de son père a fait bondir Aristide qui lui « a répliqué qu’il était bien content de trouver les Dominicains et les Haïtiens pour faire le travail qu’aucun Guadeloupéen ne voulait plus faire »[21]. C’est le débat ordinaire lancé autour de l’immigration avec l’argument de l’absence de motivation intérieure et la mauvaise foi de ceux qui invoquent un seuil de tolérance et dressent la toute-puissance du national contre l’étranger. Enfin pour ajouter à l’irrationnel du climat, il y a cette vision réductrice et un tant soit peu puérile venue d’un personnage, certes complexé par son physique ingrat de métis mais qui exprime avec amertume la dissolution idéologique : « Oui, il quitterait cette île sans ampleur où, hormis les dimensions de son pénis, rien ne dit à l’homme qu’il est homme »[22]. Ces propos montrent que nous ne sommes évidemment pas dans la qualification normale d’une société humaine car s’il ne reste plus que ce titre de fierté c’est que l’on a tout perdu. En effet, à Rivière au Sel, il semble bien qu’il n’y ait plus de grandes idées propres à secouer le marasme, plus de grandes fictions propres à faire rêver et à porter un élan politique. Il est donc évident devant cet état des lieux désastreux brossé à grands traits, que ce n’est pas le passé et ses dures injustices que l’on regrette mais l’impuissance du présent, l’impossibilité de se reconnaître et de trouver sa place dans le cours de l’histoire, même si l’on se considère encore un peu acteur de son histoire. Rivière au Sel encerclée par la mangrove pèse sur ses habitants comme une fatalité. On comprend bien d’après ces remarques qu’il ne serait pas judicieux d’opposer simplement passé et présent. Le roman d’ailleurs est divisé temporellement en trois parties inégales : le serein, la nuit et le devant-jour. Le serein symbolise le passé raconté brièvement par le narrateur. C’est dans cette humidité tombante du soir qui approche qu’a eu lieu la découverte d’un cadavre et la crise de questionnements qui en a découlé. La nuit qui est le moment de la veillée mortuaire et du questionnement va s’ouvrir sur le devant-jour, brève conclusion qui verra pour certains la reprise des habitudes mais avec des résolutions nouvelles, et pour d’autres, spectaculairement estampillés par l’expérience, il y aura « le courage de refuser la défroque usée qu’ils enfilaient matin après matin et qui serrait aux entournures »[23]. Pour ces derniers évidemment et peut-être plus que pour les autres, à l’orée du jour qui commence, c’est la liberté, la traversée victorieuse. Ainsi, la vraie question que pose le roman est celle qui prend forme dans l’esprit de chacun : comment passer du monde tel qu’il est, au monde tel qu’on voudrait qu’il soit, comment passer de la construction d’une réalité à une autre.

 

La connaissance de la réalité de la société se donne sans aucun a priori théorique, presque sans parti pris. Une société où l’enfance n’est pas particulièrement belle, où chacun étouffe dans un destin, dans une prédétermination dont il n’a pas rêvé, où aucune race n’a la précellence sur une autre, où le vrai problème serait dans un savoir-partager et qui pourrait passer par l’instruction d’un savoir commun. Le personnage qui ouvre le roman est une institutrice et en cela on peut penser que la distribution du savoir, la manière dont se répartit la connaissance, va être primordiale. Non seulement la diffusion de la connaissance, mais la manière dont la subjectivité connaissante en arrive à objectiver des choses, à construire par cet artifice un monde tangible.

 

C’est une question importante. D’autant plus que la facture du roman nous laisse perplexes et dubitatifs quant à l’existence d’un vrai monde interculturel où se rejoindraient et s’aboucheraient les lignes de connexion. Il y a bien des signes d’existence multiculturelle, ces segments ajointés, ces plateaux d’introspection que nous traversons, ces rapports hiérarchiques têtus, ces relations de subordination ou de domination. Mais ce ne sont pas de vraies relations communautaires. Ce ne sont pas des relations de cette sorte qui fondent un monde d’harmonie, de compréhension et d’intégration. Léocadie Timothée, institutrice puis directrice d’école voulait travailler pour sa race, mais ses efforts d’instruction s’étaient vite heurtés à la résistance de familles d’agriculteurs pour qui l’école privait la terre de bras utiles. De plus, son statut de fonctionnaire lui accordait des privilèges qui la plaçaient du côté du pouvoir colonial. La ligne de son parcours la subordonnait avec trop d’évidence au camp des oppresseurs. C’est une ligne de crête difficile à tenir dans un département français parcouru par des sursauts d’opposition indépendantistes.

 

De nos jours, le statut des migrants et des réfugiés s’est enferré dans des paradoxes juridiques où l’on ouvre les frontières pour officiellement accueillir les flux mais sans la préparation énorme que cela nécessiterait, afin de mieux rejeter dans les marges et cloisonner tout en prétendant faire preuve d’humanité. Ainsi Désinor le Haïtien, immigrant sans papiers, ne peut pas exister officiellement à Rivière au Sel. S’il a choisi cet endroit c’est justement parce qu’il y est dissimulé aussi à cause de son homosexualité, et qu’il peut y vivre comme en dehors du monde auquel il rêvait d’appartenir. Le roman dénoue d’autres liens tendus a priori par les préjugés, les rancœurs, les replis identitaires. Ainsi le fils de la vieille Man Sonson rit gaiement quand elle s’indigne de le voir épouser une blanche, responsable en quelque sorte par une complicité raciale des crimes de ses ancêtres esclavagistes : « “Maman, tout ça, l’esclavage, les fers aux pieds, c’est de l’histoire ancienne. Il faut vivre avec son temps”. Peut-être qu’il a raison. Peut-être qu’il faut déraciner de nos têtes l’herbe de Guinée et le chiendent des vieilles rancœurs. Peut-être qu’il faut apprendre de nouveaux battements à nos cœurs. Peut-être que ces mots-là, noirs, blancs, ne signifient plus grand-chose ! »[24]

 

On comprend que sur l’architecture en réseau des migrations, chaque nœud individué s’abrite derrière des frontières psychologiques ou mentales par crainte, frustration, paresse. Il faut un sursaut de courage à Lucien Evariste pour se rebeller face à ses anciens amis les Patriotes. Ayant réalisé que se gargariser de mots et de formules ne mène nulle part, il se désolidarise de leur obstination stérile qui les tient face à eux-mêmes à l’écart du monde :

 

« Messié, kouté ! Longtemps, j’ai cru comme vous qu’il fallait manger patriote, boire patriote, baiser patriote ! J’ai divisé le monde en deux : nous et les salauds. Je m’aperçois aujourd’hui que c’est une erreur. Erreur. Il y a plus d’humanité et de richesse dans cet homme-là que dans tous nos faiseurs de discours en créole[25]. »

 

En mettant en question les mobiles de Lucien Evariste « dit l’Écrivain bien qu’il n’eût rien écrit »[26], Maryse Condé pose la question de la projection de soi et de la fonction de l’écrivain ou de l’artiste qui a pour tâche même de manière fictionnelle, de témoigner de l’état du monde au présent. Qu’en est-il de ceux qui veulent écrire, qui ont à écrire, qui sentent l’urgence d’écrire quelque chose comme un roman ou une thèse ? Sont-ils guidés par des mobiles personnels ou par un idéal, un rêve de partage, le rêve d’ouvrir le monde et de le rendre meilleur ? Qu’est-ce qu’un écrivain pour l’esprit populaire sinon un bon à rien, à moins qu’il ne se rachète encore une fois par quelque notoriété, par des signes extérieurs de réussite sociale ? Et un écrivain peut-il encore incarner le héros romantique, sauveur de la société moderne, celui dont l’œuvre et les idées pourront redonner confiance et préparer des jours meilleurs ? Cependant, que font les écrivains guadeloupéens à part pérorer sur la culture antillaise à Los Angeles ou à Berkeley[27]? Peut-on avoir l’envergure du talentueux Martiniquais Chamoiseau, déconstruisant dans ses romans le français-français[28]? Francis Sancher a le passé nébuleux de n’importe quel autre immigrant qui compose la petite communauté. De plus il cherche, consulte, et il écrit. Il exhume d’une sorte de vieille bibliothèque, sa vieille malle, de vieux papiers, des lettres, et « une mince brochure sans nom d’auteur, éditée par John Russel Smith à Londres en 1862 et intitulée Wonders of the invisible World », Merveilles de l’Invisible traduit Maryse Condé en note de bas de page[29]. Il a réuni les documents nécessaires, et derrière sa machine à écrire, il écrit, mais sans conviction, persuadé que le projet le dépasse et qu’il ne pourra le mener à bien. Quel monde invisible entend-il dévoiler ? À la jeune Vilma qui lui demande ce qu’il fait, il répond en riant : « tu vois, j’écris. Ne me demande pas à quoi ça sert. D’ailleurs je ne finirai jamais ce livre puisque avant d’en avoir tracé la première ligne et de savoir ce que je veux y mettre de sang, de rires, de larmes, de peur, d’espoir, enfin tout ce qui fait qu’un livre est un livre et non pas une dissertation de raseur, la tête à demi fêlée, j’en ai trouvé le titre : ‘Traversée de la mangrove’ ». Ce à quoi la jeune fille répond : « On ne traverse pas la mangrove. On s’empale sur les racines des palétuviers. On s’enterre et on étouffe dans la boue saumâtre »[30]. La prédiction se réalise et Sancher meurt, ce qui va provoquer la traversée de la mangrove pour tous ceux qui l’auront approché, et pour nous, lecteurs. Un autre ambitieux de l’écriture, c’est Emile Etienne dit l’Historien, qui se veut accoucheur de mémoire. Écrire une histoire non pas de la vie privée guadeloupéenne mais de la communication oubliée, recueillir en son œuvre les mots du passé, éveiller la nostalgie des souvenirs, telle est sa grande ambition : « Je voudrais écrire une histoire de ce pays qui serait uniquement basée sur les souvenirs gardés au creux des mémoires, au creux des cœurs. Ce que les pères ont dit aux fils, ce que les mères ont dit aux filles. Je voudrais aller du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest recueillir toutes ces paroles qu’on n’a jamais écoutées… »[31] Vibrant d’une énergie nouvelle il s’interroge : « Quel titre donnerait-il à ce monument qui justifierait sa vie ? Des mots voltigèrent dans sa tête. Cette fois, il se battrait, il s’imposerait »[32]. Pour l’Historien, l’écriture est un passage vers un départ symbolique et peut-être réel : « Partir. Respirer un air moins confiné. Il lui sembla soudain qu’il étouffait sous les grands arbres et il rêva d’une terre où l’œil ne se cognerait pas aux mornes, mais suivrait la courbe illimitée de l’horizon. Une terre où quoi qu’on en dise la couleur de la peau n’importerait pas. Une terre-terre fertile à labourer »[33]. Lucien Evariste est hésitant et n’arrive à rien entre le projet de se lancer dans « une fresque historique retraçant les hauts faits des Neg mawon, et une chronique romancée de la grande insurrection du Sud de 1837 »[34]. Finalement, une autre inspiration lui vient, il va retracer la ligne de fuite du défunt : « Et pour écrire ce livre-là, ne lui faudrait-il pas suivre son héros à la trace ? Relever les empreintes qu’il avait laissées dans les chemins ? Mettre ses pas dans les siens ? Europe, Amérique, Afrique. Francis Sancher avait parcouru tous ces pays. Alors ne devrait-il pas en faire autant ? »[35]

 

Si l’écriture s’avère ainsi un puissant moteur de déplacement, de déterritorialisation, la Traversée de la mangrove est aussi celle des renvois dans l’intertextualité et des migrations d’idées. Par son titre au moins, le roman de Maryse Condé évoque un autre livre plus ancien dans sa version originale, celui de Naipaul intitulé La Traversée du milieu, dans lequel il s’oriente par la pensée et l’observation dans les sociétés postcoloniales et multi-ethniques de Trinidad, de la Guyane britannique, du Surinam et de la Martinique, dans les années soixante. Et puis on ne peut pas s’empêcher de penser au Passage du nord-ouest de Michel Serres, le cinquième tome de sa série Hermès, qui lui aussi parle d’orientation dans la pensée et de désorientation dans la culture, l’espace et le temps ; de hasard et de bifurcation. Comme par ricochet il y a les réflexions de l’ethnologue Barj Strobel arrivant dans l’intérieur de la Guyane pour comprendre et témoigner du cheminement des Créoles Antillais « poussés jusqu’ici par les vents de la misère »[36], et qui évoque Garcia Marquez devant les paysages autour du fleuve. Comment en effet, devant Rivière au Sel, ne pas penser à Macondo, village enterré dans ses cent ans de solitude et fondé au cours des errances de José Arcadio Buendia qui ignorait tout de la géographie mais cherchait inlassablement une route menant à la mer ?[37] N’est-ce pas d’isolement et de solitude que souffrent Moïse, Léocadie, et puis les ouvriers haïtiens qui le transistor collé à l’oreille essaient de rester soudés au pays trop lointain ? N’est-ce pas l’abjection qui renvoient Xantippe et Désinor, détestés ou craints, dans les marges de ce petit monde de misères ? Georges Bataille, dans un petit article intitulé « L’abjection et les formes misérables » propose une analyse du mot misérable qui « après avoir voulu dire qui porte à la pitié est devenu synonyme d’abject : il a cessé de solliciter hypocritement la pitié pour exiger cyniquement l’aversion »[38]. Non seulement ceux qui sont ainsi victimisés sont comme exclus, spectralisés dans le paysage social, mais ils sont l’objet d’une prohibition de contact. À Rivière au Sel dont on a vu que le nom évoque de manière ambiguë le goût et le dégoût, la misère inscrite dans l’apparence physique, dégoûte. Dégoût qui joue contre l’intégration de Désinor (qui prend plaisir à assumer le rôle qui lui a été donné et à en jouer par provocation), de Xantippe, et même de Léocadie, la vieille institutrice au physique ingrat qui pleure de n’avoir jamais pu s’inscrire sur les lignes du désir venant d’autrui. Pourquoi Sancher a-t-il un tel désir de se lancer dans une traversée dont il pressent qu’elle se terminera de façon tragique ? Cette question pourrait être posée à tout migrant se confiant au hasard de lignes inconnues hérissées d’obstacles et de dangers mortels. Pourtant nombreux sont ceux qui n’hésitent pas et qui même refoulés reviennent de manière obstinée camper aux portes des nations où la vie semble envisageable avec optimisme. Sorte de frontière naturelle, la mangrove voit se mêler en elle eau douce et eau salée dans un enchevêtrement de plantes diverses, de palétuviers, de lianes et de racines, où niche avec bonheur une étonnante diversité de poissons, d’oiseaux et d’insectes. Le propos de l’ouvrage est-il de présenter cette traversée comme une possibilité, une tentative, ou quelque chose qui a été effectué avec succès ? Pourquoi a-t-il été ou est-il important ou urgent de la traverser, cette mangrove ? Pourquoi cette traversée a-t-elle été un échec ou un succès ? Ou alors, et ce n’est pas le moins intéressant, ne sommes-nous pas, nous lecteurs, ceux qui effectuons cette traversée au fil des pages de ce roman et des histoires où nous nous enfonçons ? Car ce roman a une forme rhizomatique, selon l’expression empruntée à la botanique par Deleuze et Guattari dans leur beau livre Mille plateaux[39]. Le rhizome comme ils l’expliquent et comme le rediront ensuite Edouard Glissant, puis les auteurs de l’Eloge de la créolité[40], est le contraire de la racine unique, de la fixité, c’est-à-dire aussi d’une histoire linéaire où tout serait déterminé par l’origine. Le rhizome, qui est justement cet enchevêtrement de racines se propageant par multiplication de segments dont chacun influence les autres, qui procède par déplacement horizontal ou vertical, par une sorte de nomadisme, joue un rôle important dans la mangrove. Traversée de la mangrove a donc une forme rhizomatique parce qu’il est fait d’un enchevêtrement de segments à l’image de la société pluriculturelle qui s’y exprime paradoxalement d’une seule voix sous ce titre, mais de manière polyphonique dans la division des chapitres. Polyphonique, le roman de Maryse Condé est découpé en vingt chapitres, qui chacun donne accès directement ou par l’intermédiaire d’un narrateur à la conscience d’un personnage. Il n’y a donc pas une histoire unique, une intrigue dont on attend à la fin la résolution, mais une traversée de segments ou de plateaux. Certes, au début un cadavre a été trouvé. Mais très vite l’intérêt ne porte plus sur les raisons de la mort ou la recherche d’un assassin. La question portera surtout sur ce que veulent dire vivre et mourir dans l’entrelacs des lignes de migrations où se sollicitent les mémoires et se brassent d’incessants conflits. La polyphonie atteste de l’expérience collective dans la différence de la multi-ethnicité. Le témoignage qui est offert et auquel nous sommes subtilement conviés à participer, n’évoque pas le combat de l’oppressé contre l’oppresseur, mais le combat quotidien, actuel et réel des vaincus contre leur propre incapacité à donner un sens à leur existence, alors qu’ils sont soumis au machisme, aux habitudes, aux préjugés hérités du colonialisme, aux désavantages sociaux. La notion d’identité se fluidifie. Ne plus être celui qui appartient à tel ou tel groupe mais celui qui veut faire quelque chose de son existence, qui veut se réaliser dans des projets et qui rejette le comportement de victimisation plaintif où il s’est réfugié jusque-là. Celui qui choisit de se libérer de lui-même. Chacun incarne dans sa chair le constat d’impuissance, que ce soit parce qu’on est femme et donc mariée selon les intérêts du père, délaissée et trompée après l’euphorie des premiers temps, parce qu’on est enfant, parce qu’on est handicapé, immigré légal ou illégal, et aussi parce qu’on a hérité de tares familiales, de traditions, d’un physique désavantageux.

 

Enfin, il serait intéressant de suivre les tracées de ce fascisme ordinaire dont parle Foucault dans les avatars de l’aventure coloniale, fascisme étroitement associé aux enjeux de pouvoir dans la machine capitaliste qui orchestre cette aventure. À cet égard le livre de Maryse Condé, Traversée de la mangrove, anime très bien le schéma pathologique d’un système où la valeur et les motivations de l’individu sont mesurées en d’autres termes que ceux du bien commun, que ceux d’une économie de solidarité, avec la Guadeloupe comme point de polarisation. L’importance du livre de Condé est d’établir la prééminence absolue du désir qui réunit dans une butée géographique une population hétérogène aux portes de la folie douce. À la dépression géographique de Rivière au Sel correspond celle des personnages qui portent chacun en eux un secret, un échec, un manque fondamental. L’interaction générale est un jeu d’échecs où l’intensité des désirs monte par paliers, allant du deuil éternel de Xantippe jusqu’au rêve du béké, avec le sourire en or de Guyane de la reine d’Angleterre. Au centre, il y a Sancher avec son physique, ses histoires d’autres temps, d’autres lieux et sa malle de billets de banque, qui cristallise tous les fantasmes, tous les désirs. Comment canaliser la force de la libido ? Comment l’empêcher de déborder ? Chacun s’entête, se désespère, rêvasse. L’écriture testimoniale de Maryse Condé qui construit son roman à partir de faits avérés (l’immigration, les classes sociales, les conflits raciaux) et dont on ne peut nier la fonction sociale, valorise une pratique judiciaire d’appel à témoins où chacun monte à la barre pour dire ce qu’il sait. (Dé)dramatisation coloniale du péché originel le roman de Maryse Condé est un récit où passé et présent jouent l’un dans l’autre, s’ouvrent l’un dans l’autre, où la présence de Francis Sancher ne s’affirme jamais autant que dans sa disparition. Temps interminable dont la valeur émotive est dans cette fausse apparence de lenteur donnée par la polyphonie énonciative, par le chœur des voix psalmodiant autour du défunt prières et confessions mêlées. L’art de Maryse Condé est de souligner les seuils temporels, les coupures, les strates sociales et de les faire traverser par un seul flux désirant dans la symbolique unificatrice de la veillée mortuaire. C’est une traversée qui nous mène par déviations, feintes, évitements du face à face mais mises en rapport de profils (le livre est après tout une succession de profils), et qui nous laisse sur le seuil d’une impossible traversée. « On ne traverse pas la mangrove » lance le personnage alors même que le lecteur effectue sa traversée immobile dans la lecture et qu’il est traversé par elle. C’est qu’il ne s’agit pas de temps à conquérir, de temps chronologique, mais de temps où se reconfigurent les raisons de l’histoire. Histoires de migrations vers Rivière au Sel, d’immigrations, de résistances, de puissance des témoignages. En dépit des démarcations identitaires et frontalières, l’énormité, l’extravagance, l’excès qu’incarne Sancher touchent et fouaillent les subjectivités dans leur constitution désirante et les amènent au changement.

 

Dans l’extrait en exergue à ce texte, Francis Sancher essaie de rendre une dignité politique et historique à ceux qui sont présentés comme croquemitaines à l’imaginaire des enfants. Le regard raciste des Lameaulne fait des Haïtiens des objets sans temporalité, saisis dans une immutabilité désespérante et sans profondeur. Les Haïtiens ne sont pas enfermés au présent dans la contingence du charroi de fumier, ils sont de tous les pays et de tous les temps, laisse entendre Sancher. Ils sont grands, ils sont humains, car ils vivent dans l’Ouvert, dans l’incertitude du monde tel qu’il est. Ils sont grands car ils l’éprouvent dans son illimitation. La grandeur de l’homme n’est-elle pas sa faculté d’adaptation ? La faculté qu’il a de moduler l’inquiétude liée à sa situation dans le monde, d’assumer la fragilité du monde ? Ceux qui veulent se défaire de l’incertitude, en s’abritant, en se terrant derrière les grilles ternes ou dorées d’un quotidien balisé par des replis traditionnels, des habitudes, seraient par ce réflexe animal, en voie de déshumanisation. Rivière au Sel est un microcosme, un tissu spatial et temporel né de migrations croisées. D’un côté les enracinés, les vélléitaires, ceux qui se trompent, se détestent, s’allient par intérêt, tournent en rond dans leurs cages de désillusion, et de l’autre, les êtres flottants, enviés ou rejetés mais qui changent les comportements. Le manque de cohésion sociale est déjà inscrit dans la pauvreté des relations entre les acteurs sociaux, il n’est nullement un effet de l’immigration. D’un côté les patrons, de l’autre côté les exploités, les laissés-pour-compte. Au milieu, une frange incertaine, et puis un monde de femmes qui sort de l’immobilité, expose la pathologie du groupe, permet la circulation du désir. Parmi les laissés-pour-compte on peut revenir sur le personnage de Désinor le Haïtien dont le rêve d’intégration ailleurs vit la menace d’être « sacrifié au profit d’une vie opératoire, définie par la seule efficacité d’une tâche à atteindre et à reproduire à l’infini »[41]. Subjectivité encombrante, selon l’expression de Guillaume le Blanc, Désinor joue les jardiniers haïtiens dans une communauté d’hypocrites en refoulant sa rancœur. Condé résume en lui les paradoxes qui lestent la situation de l’immigré, tenu par la nécessité de se considérer comme normal alors qu’il ne peut avoir une stratégie de vie linéaire ou prédictible. Constamment soumis aux pressions de l’environnement, aux hasards liés à sa condition, il est travaillé par un discours de justification (si j’accepte d’être traité ainsi c’est parce que je le veux bien) qui lui permet d’assumer son identité négative. Ainsi que le signale Guillaume Le Blanc, on peut être malade de vouloir coller à la norme, non seulement par les sacrifices et les souffrances inhérents au désir de s’intégrer, de devenir conforme, mais aussi parce que deviennent vite « normaux » tout un ensemble de termes, de structures, de rapports, de mutations qui affectent le quotidien. La normalité serait pathologique. Justifier sa place en ce monde passe pour Désinor par un défi silencieux, une affirmation de sa différence, une saleté et une absence de bonnes manières ostentatoires. Il outre jusqu’à la provocation, les caractéristiques que l’on attend de lui en tant qu’immigré type. Pour finir, on a pu se poser la question avec l’immigration haïtienne de l’intégration et du racisme entre populations de même apparence, de même couleur. Maryse Condé n’évite pas le sujet puisqu’elle évoque la discrimination qui est faite entre peaux foncées et peaux plus claires, déjà parmi les enfants des écoles. L’importance des dégradés de couleur, des enfants bien sortis, des bons ou des mauvais cheveux, reste vérifiable. Et puis à la question du teint s’ajoute celle de l’origine, selon que l’on vient de la ville ou des bois, l’expression s’appliquant à ceux qui vivent à l’écart, dans les marges, de manière non raffinée, et donc issus d’un milieu dysphorique dans l’imaginaire populaire. Car si aucun paysage n’est neutre, la migration, comme le dit Edouard Glissant, souffre aussi ses lieux, ses paysages, et Rivière au Sel ne fait pas exception à la règle :

 

« La signification (« l’histoire ») du paysage ou de la Nature, c’est la clarté révélée du processus par quoi une communauté coupée de ses liens ou de ses racines (et peut-être même au départ, de toute possibilité d’enracinement) peu à peu souffre le paysage, mérite sa Nature, connaît son pays. »[42]

 

 

[1] Maryse Condé, Traversée de la Mangrove, Mercure de France, 1989, p. 96.

[2] V. Marc Augé, Pour une anthropologie de la mobilité, Editions Payot & Rivages, 2009.

[3] V. Hartmut Rosa, Résonance, Editions La Découverte, 2021.

[4] V. Michèle Baj Strobel, Les gens de l’or, Ibis Rouge Editions, 1998.

[5] Anouchka Vasak, 1797 Pour une histoire météore, Anamosa, 2022.

[6] Maryse Condé, op. cit., p. 202.

[7] V. Marc Augé, Non-lieux, Seuil, 1992.

[8] Michèle Baj Strobel, Les gens de l’or, Ibis Rouge Editions, 1998, p. 130.

[9] Philippe Quéau, Philosophie des réseaux, Presses universitaires de France, 1993, p. 56.

[10] V. Tim Ingold, Une brève histoire des lignes, Zones Sensibles Editions, 2013.

[11] Maryse Condé, op. cit., p. 60.

[12] Marc Augé, op. cit., 2009 p. 59.

[13] Maryse Condé, op. cit., p. 66.

[14] Ibid., p. 139.

[15] Arjun Appadurai, Après le colonialisme, Editions Payot & Rivages, 2005, p. 144.

[16] Maryse Condé, op. cit., p. 38.

[17] Ibid., p. 135.

[18] Ibid., p. 210.

[19] Ibid., p. 214.

[20] Ibid., p. 95.

[21] Ibid., p. 105.

[22] Ibid., p. 79.

[23] Ibid., p. 251.

[24] Ibid., p. 82.

[25] Ibid., p. 226.

[26] Ibid., p. 25.

[27] Ibid., p. 219.

[28] Ibid., p. 228.

[29] Ibid., p. 236.

[30] Ibid., p. 192.

[31] Ibid., p. 237.

[32] Ibid., p. 238.

[33] Ibid., p. 239.

[34] Ibid., p. 218.

[35] Ibid., p. 227.

[36] Michèle Barj Strobel, op. cit., p. 18.

[37] Gabriel Garcia Marquez, Cent ans de solitude, Editions du Seuil, 1968.

[38] Georges Bataille, Œuvres complètes, Editions Gallimard, 1970, p. 218.

[39] V. Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, Editions de minuit, 1980.

[40] V. Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau, Raphael Confiant, Eloge de la créolité, Editions Gallimard, 1993.

[41] Guillaume le Blanc, Dedans, dehors, Editions du Seuil, 2010, p. 37.

[42] Edouard Glissant, L’Intention poétique, Editions Gallimard, 1997, p. 190.

Par Zérah BREMOND

Maître de conférences en droit public
Univ Pau & Pays Adour, Aix Marseille Univ, Université de Toulon, CNRS, DICE, IE2IA, Pau, France

Résumé

La question de la protection de l’environnement constitue aujourd’hui un enjeu majeur pour l’ensemble des États. Pour faire face à ce défi, une région du monde, dont l’environnement se caractérise par sa très grande diversité, mais aussi sa forte vulnérabilité, apparaît être à l’avant-garde en ce qui concerne les outils juridiques dédiés à la préservation de la nature : l’Amérique latine. S’agissant d’un véritable laboratoire constitutionnel, plusieurs moyens y ont été développés afin de répondre à cet objectif. D’une part il s’est agi d’établir un véritable État environnemental de droit dans lequel la protection de l’environnement devient un paradigme pour le système juridique tout entier. Cela passe par la réorganisation de l’administration autour de cette obligation et le renforcement du rôle des juridictions afin de veiller au respect d’un droit de l’environnement qui s’est largement constitutionnalisé. D’autre part, la multiplication des droits subjectifs en matière environnementale semble conduire à l’émergence d’un État de droits environnementaux caractérisé par l’établissement de garanties juridictionnelles visant à la réalisation d’un droit fondamental à l’environnement. Ce droit pourra alors être revendiqué tant comme un droit individuel ou collectif dévolu à des sujets habilités à s’en prévaloir, que comme un droit dont sont investis des sujets non justiciables, qu’ils soient humains non contactés – peuples autochtones – ou non nés – générations futures – voire non-humains – entités naturelles. Loin de caractériser des dispositifs exotiques propres au « Nouveau monde », l’étude des garanties juridiques de protection de l’environnement en Amérique latine donne matière à réfléchir aux potentialités offertes en ce domaine par le droit français.

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Depuis la constitutionnalisation en 2005 de la Charte de l’environnement et l’adoption en 2015 de l’Accord de Paris sur le climat, on constate une recrudescence des contentieux environnementaux devant les juridictions françaises avec des victoires emblématiques à l’image de ce que fut en 2021 l’Affaire du siècle[1]. Il y a de fait un accroissement des normes de référence en matière de droits environnementaux dont ont pu se saisir les justiciables afin de faire respecter ces droits. Aussi, la question environnementale irrigue aujourd’hui l’ensemble des contentieux : civil par la reconnaissance du préjudice écologique dans le sillage de l’affaire de l’Erika[2] ; constitutionnel avec le renforcement du droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé en le conjuguant avec les dispositions du préambule de la charte faisant référence aux besoins des générations futures[3] ; administratif par l’établissement d’un contrôle de la « trajectoire » de réduction des émissions de CO2 que s’est fixée la France suite à l’Accord de Paris[4] ; d’urgence avec la reconnaissance par le juge du référé-liberté du droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé comme étant une liberté fondamentale invocable devant lui[5]. Bien que s’agissant d’avancées substantielles en faveur des droits environnementaux dans l’ordre juridictionnel français, on ne peut nier l’existence de limites structurelles quant aux perspectives offertes par ces garanties juridiques. En effet, malgré l’accroissement de l’invocabilité de la Charte de l’environnement devant le Conseil constitutionnel, elle n’a au final donné lieu qu’à très peu de censures[6] et ce, notamment dans le cadre du contentieux QPC[7]. La nature abstraite du contrôle exercé ajouté au caractère limité des options dont dispose le Conseil — censure immédiate ou différée, conformité avec ou sans réserve — peut expliquer ce résultat. La situation devant le juge administratif ne paraît pas beaucoup plus favorable puisqu’en dépit de son pouvoir d’injonction en excès de pouvoir et de moyens d’action particulièrement larges en référé-liberté, le juge pourra avoir tendance, face à un contentieux complexe tel que l’Affaire du siècle, à se borner à enjoindre au Gouvernement de prendre toutes mesures utiles afin de remédier à l’atteinte portée aux droits environnementaux[8]. Quant au contentieux judiciaire — civil et pénal —, son utilité demeure exclusivement répressive et réparatrice sans pour autant prévenir, autrement que par dissuasion, les dommages environnementaux. Par conséquent, si l’on peut saluer le volontarisme du constituant et des juridictions françaises en matière de protection de l’environnement, force est de constater que les mécanismes français de garantie juridique des droits environnementaux paraissent bien en deçà de ce qui s’est développé ces dernières décennies en Amérique latine.

Sans doute que le contexte d’un continent frappé de plein fouet par les effets du dérèglement climatique[9] et profondément marqué par une logique d’opposition aux modèles européens permet d’expliquer le volontarisme des États latino-américains en matière environnementale. Cet aspect se retrouve notamment au sein des États andins où s’est développée une perception écocentrique de l’environnement impliquant une exigence morale de préservation de la nature indépendamment de son utilité pour les êtres humains, à l’inverse d’un modèle occidental, perçu comme étant exclusivement anthropocentré et utilitariste faisant de la nature un outil au service de l’Homme[10]. Cela étant, la préoccupation environnementale constitue un impondérable qui est incarné aujourd’hui dans plusieurs conventions internationales communes aux États européens et latino-américains (notamment les trois conventions de 1992 adoptées suite au sommet de Rio, l’Accord de Paris sur le climat, la convention Ramsar sur les zones humides voire un éventuel nouveau pacte mondial sur l’environnement[11]). De plus, s’interroger sur l’effectivité des droits fondamentaux n’a rien de propre à une région du monde, mais constitue bel et bien un enjeu global, en témoigne la récente décision du comité des droits de l’homme des Nations Unies relative aux carences de l’Australie dans la lutte contre le dérèglement climatique[12]. Face à des problématiques globales, le continent sud-américain demeure néanmoins perçu comme étant un véritable laboratoire constitutionnel, alors incarné dans les mouvements dits nuevo et neo-constitutionnalisme. Le nuevoconstitutionnalisme apparaît d’un côté comme étant un mouvement de rupture avec les modèles européens[13] se traduisant par un fort renouvellement des concepts : redéfinition de la séparation des pouvoirs, consécration de l’idéal de l’État plurinational, multiplication des droits fondamentaux avec l’octroi potentiel de droits spécifiques en faveur de la nature. Le neoconstitutionnalisme va quant à lui plus clairement se concentrer sur les garanties offertes par les normes constitutionnelles en termes de protection des libertés[14]. Ces deux courants peuvent être complémentaires, les Constitutions équatorienne de 2008 et bolivienne de 2009 en étant les manifestations les plus vives. Le projet de Constitution chilienne rejeté par référendum le 4 septembre 2022 semblait être de même nature.

En matière de droits environnementaux, ce renouvellement du constitutionnalisme latino-américain s’est avéré particulièrement prolifique. Si l’on retrouve les exigences classiques de participation, d’information et de prévention, plusieurs concepts d’inspiration écocentrique se sont ajoutés, notamment le principe de non-régression, le principe in dubio pro natura ou encore la nécessité d’une réparation intégrale des dommages environnementaux. De surcroît, le droit individuel à un environnement sain a pu être décliné comme devant être un droit collectif profitant tant aux sujets humains existant qu’à des sujets en devenir, en particulier les générations futures. Enfin, l’aboutissement de la conversion du constitutionnalisme latino-américain à « l’écologie profonde », pour reprendre la formule d’Eugenio Raúl Zaffaroni[15], paraît résider dans la reconnaissance de droits spécifiques en faveur de sujets non-humains, qu’ils soient des entités déterminées — animaux, fleuve, forêt… — ou non — la Nature dans son ensemble[16]. On notera sur ce point qu’il peut y avoir une légère nuance selon l’importance accordée à ces droits vis-à-vis de ceux dont disposent les êtres humains. D’un côté, l’approche biocentrique, assumée clairement par la Cour constitutionnelle équatorienne dans sa jurisprudence récente, supposera l’attribution de droits aux différentes entités naturelles en fonction de leur valeur intrinsèque. Il est donc admis qu’un fleuve n’aura pas nécessairement les mêmes droits qu’une forêt ou qu’une guenon. L’approche écocentrique, promue par la Cour constitutionnelle colombienne, supposera une exigence de protection plus large, dans la mesure où elle postule une obligation morale de protéger l’environnement, quand bien même cela irait à l’encontre des intérêts humains[17]. Dans l’un ou l’autre cas, on retrouvera un idéal de rupture avec les modèles occidentaux qui sont perçus comme étant exclusivement anthropocentrés. Le professeur Cosimo Gonzalo Sozzo parle ainsi de l’avènement d’un « État écologique de droit » fondé sur les modèles du Buen vivir et du développement perdurable[18]. Ces deux systèmes peuvent se rejoindre sans nécessairement se confondre. Le « Buen vivir », d’un côté, résulte de la remise en cause d’une approche extractiviste afin de concilier les droits humains avec ceux de la nature, ce paradigme étant en cela largement influencé par les concepts autochtones de sumak kawsay (Équateur) et de suma qamaña (Bolivie)[19]. Le développement perdurable impliquera pour sa part un droit collectif à l’environnement avec un souci particulier pour la préservation des droits des générations futures.

Si l’une et l’autre de ces approches reposent fondamentalement sur un idéal de rupture avec les modèles occidentaux, on soulignera néanmoins le fait qu’elles aspirent à être diffusées au-delà du seul continent sud-américain. Il est notable de relever en ce sens l’ambition portée par Alberto Acosta, ancien président de l’Assemblée constituante équatorienne, pour l’établissement d’une déclaration et d’un tribunal international dédié à la protection des droits de la nature[20]. De surcroît, l’influence des éthiques environnementales sud-américaines se retrouve dans le droit international de l’environnement. De fait, la convention sur la diversité biologique s’ouvre en faisant référence à l’idée de « valeur intrinsèque de la diversité biologique », vocabulaire propre aux approches biocentriques. De même, le préambule de l’Accord de Paris sur le climat évoque la notion de « Terre nourricière », qui fait nettement écho à l’idéal écocentrique. L’idée du développement perdurable peut se retrouver également dans la tendance croissante à la prise en compte des besoins des générations futures dans le cadre des contentieux climatiques[21]. Mais au-delà du caractère symbolique de ces notions qui, à elles seules, ne peuvent conduire à une protection efficace de l’environnement[22], il importe de s’intéresser aux mécanismes de garantie qui y sont associés et à leur capacité à s’exporter au-delà du seul contexte latino-américain.

Deux configurations ont pu se dégager dans les différents États latino-américains : d’un côté, une approche objective impliquant une préservation de la norme environnementale au nom de la collectivité, l’idée étant en somme de faire émerger un État environnemental de droit impliquant de faire du droit de l’environnement « un “paradigme” pour le système juridique tout entier » tout en assurant « une “protection intégrale” des écosystèmes »[23] (I) ; de l’autre, une approche subjective reposant sur la nécessaire protection des droits fondamentaux à caractère environnemental, qu’ils soient attribués à des sujets humains ou non-humains, constituant en quelque sorte un État de droits environnementaux (II).

 

I. Des garanties objectives de l’État environnemental de droit

 

Avant de devenir un vecteur de droits subjectifs, le droit de l’environnement comporte clairement une dimension objective en ce que sa mise en œuvre repose principalement sur les personnes publiques. Aussi, il est notable de souligner que ce droit s’est développé tout d’abord en France par le biais des réglementations associées à différentes politiques publiques, comme semblait le promouvoir le traité de Maastricht[24]. Par ailleurs, le développement des politiques environnementales se traduit par la détermination d’un « intérêt général environnemental » justifiant les mesures de régulations prises par l’État[25]. Les dispositions environnementales figurant dans les Constitutions latino-américaines reprennent globalement cette approche, les droits subjectifs à l’environnement se traduisant généralement par l’énonciation de plusieurs obligations de protection incombant à l’État. L’exemple du projet de Constitution chilienne (2022), qui constitue à ce jour le modèle le plus abouti en termes de droits environnementaux, est à ce titre particulièrement probant. Sur les 38 articles[26] ayant trait à des questions environnementales, 27 instituaient des obligations incombant à l’État, que ce soit dans l’établissement d’institutions particulières (défenseur de la Nature, tribunaux environnementaux, agence nationale de l’eau), de composantes environnementales devant bénéficier d’une protection dédiée (écosystèmes marins, glaciers, zones humides, ciel nocturne…) ou encore dans la mise en œuvre des politiques publiques (surveillance des risques environnementaux, éducation environnementale, gestion des activités minières…). La transversalité des obligations incombant à l’État traduit bien l’idée d’État environnemental de droit, l’article 1er du projet de Constitution définissant en ce sens le Chili comme étant un État de droit écologique[27]. Sans être nécessairement aussi abouti, on retrouve une telle tendance dans la plupart des Constitutions latino-américaines. Or, la mise en œuvre d’obligations constitutionnelles incombant à l’État nécessite l’établissement de garanties pouvant être directement instituées par la norme constitutionnelle. Suivant l’idée promue par l’article 127.2 du projet de Constitution chilienne (2022), disposant que « l’État doit adopter une administration écologiquement responsable », cette garantie pourra être tout d’abord le fait des autorités administratives (A). Mais la réalisation de l’État environnemental de droit sera également tributaire d’un contrôle effectif du respect de ces obligations par les juridictions (B).

 

   A. Le droit de l’environnement garanti par les autorités administratives

 

L’ambition première du constitutionnalisme « vert » en Amérique latine réside d’abord dans l’idéal de responsabilisation des pouvoirs publics en matière environnementale. Ainsi, la Constitution chilienne de 1980, qui constitue l’une des premières du continent à avoir intégré l’exigence de protection de l’environnement, en fait une fonction de l’État à part entière pouvant justifier les limitations apportées aux autres libertés constitutionnellement garanties. Sur ce modèle, on retrouve généralement une propension à confier aux organes exécutifs des pouvoirs de régulation (1). Mais le mouvement d’attribution de droits subjectifs aux entités naturelles a pu conduire ces dernières années à poser la question de l’établissement d’une autorité indépendante dédiée à la protection de l’environnement (2).

      1. La régulation assumée par les organes exécutifs

Confier une fonction de protection de l’environnement aux organes exécutifs ne constitue pas une innovation propre au continent latino-américain. En cela, il est notable de souligner que la France s’est dotée dès 1971 d’un ministère délégué à la protection de l’environnement, là où un pays comme l’Argentine ne s’y est prêté qu’à partir de 2015[28]. Mais en dehors de la présence ou non d’un ministère dédié, la place octroyée à la question environnementale dans les normes constitutionnelles va se traduire bien souvent par une démarche de coordination et de planification à l’échelle de l’ensemble des organes exécutifs. À la lumière des exemples colombiens et argentins, deux phénomènes sont à souligner : d’un côté, l’établissement d’institutions communes aux exécutifs locaux et nationaux ; de l’autre, la multiplication des instruments de planification en matière environnementale.

En Colombie tout d’abord, la Constitution de 1991 a été adoptée avec une ambition écologique forte, l’État devant « protéger la diversité et l’intégrité de l’environnement, conserver les zones d’importance écologique et promouvoir l’éducation pour atteindre ces objectifs » (article 79 alinéa 2). La Cour constitutionnelle colombienne estime alors que la Colombie est dotée d’une « Constitution écologique »[29], l’environnement représentant « l’esprit qui illumine toute la Constitution politique »[30]. Par conséquent, la loi-cadre n° 99 sur l’environnement adoptée en 1993 institue un système national environnemental (le SINA) incluant, outre les principes et normes environnementales, les différentes entités chargées de la politique environnementale. En ce sens, la loi crée un conseil national environnemental présidé par le ministre de l’Environnement et comprenant différents ministres et institutions publiques nationales, des représentants des collectivités territoriales, des communautés autochtones et afrocolombiennes et des représentants de plusieurs organisations professionnelles. Bien que s’agissant d’un organe essentiellement consultatif, cela dénote le caractère transversal de l’exigence de protection de l’environnement qui ne saurait concerner que le seul ministre de l’Environnement[31].

En Argentine, la Constitution apparaît nettement moins-disante en matière environnementale, la révision constitutionnelle de 1994 ayant seulement conduit à l’introduction d’un article — l’article 41 — dont l’objet réside essentiellement dans l’établissement d’un droit subjectif à l’environnement[32]. En dépit de l’absence de création immédiate d’un ministère dédié à l’environnement, un organe de coordination en matière environnementale a été mis en place suite à l’adoption en 1993 d’un « pacte » entre le gouvernement fédéral argentin et les différentes provinces. Il s’agit du « Conseil fédéral de l’environnement » (dit COFEMA) dont le rôle est de coordonner les politiques environnementales conduites dans la République argentine. Ce conseil dispose de la personnalité juridique et est aujourd’hui régi par la loi-cadre n° 25.675 sur la politique environnementale nationale adoptée le 28 novembre 2002. Il détient des missions qui excèdent la seule fonction de recommandation avec notamment pour tâche de formuler « une politique environnementale intégrale, tant préventive que corrective »[33]. Avec une représentation strictement égalitaire entre ses membres (1 siège chacun, y compris pour le gouvernement fédéral), cet organe apparaît comme une véritable institution fédérative en matière environnementale.

Au-delà de l’objectif de coordination, ces différents éléments participent dans chacun de ces pays à une démarche de planification du développement et des politiques environnementales. La notion de développement durable n’est en cela jamais loin. S’agit-il pour autant de dispositifs effectifs de garantie du droit de l’environnement ? Indépendamment d’autres mécanismes, nous pouvons en douter. Cela participe néanmoins à un mouvement de généralisation de la prise en compte des préoccupations environnementales par les administrations. À titre de comparaison, on peut noter une propension de l’exécutif français à évoluer également en ce sens, en témoigne l’établissement depuis 2019 d’un « conseil de défense écologique » autour du Président de la République et l’attribution en 2022 d’une fonction de planification écologique et énergétique à la Première ministre, alors incarnée par l’établissement d’un secrétariat général à la planification écologique. Il est également intéressant de mentionner l’établissement en 2022 d’une « Inspection générale de l’environnement et du développement durable »[34]. Placée sous l’autorité du ministre de l’Environnement, la nature de ses missions – contrôler et conseiller sur la régularité, l’efficacité et la performance des services de l’État en matière environnementale – tend cependant à la rapprocher du rôle qui pourrait incomber en ce domaine à une autorité environnementale indépendante de l’exécutif. Là encore, les exemples latino-américains peuvent donner matière à réflexion.

      2. La protection assurée par une autorité indépendante

L’idée de la création d’un organe administratif dédié à la protection de l’environnement a été largement médiatisée en France suite à la convention citoyenne sur le climat dont l’une des propositions résidait dans la création d’un « Défenseur de l’environnement », autorité constitutionnelle indépendante calquée sur ce qu’est le Défenseur des droits. Cette proposition a été reprise par l’ancienne députée Cécile Muschotti dans son rapport remis à la ministre de la Transition écologique et a fait l’objet récemment d’une proposition de loi constitutionnelle déposée par plusieurs députés socialistes et écologistes. En dépit de quelques exemples étrangers de défenseurs des droits aux compétences élargies aux questions environnementales, il n’y a pas — du moins à notre connaissance — de pays où une telle autorité aurait été mise en place spécifiquement pour la défense de l’environnement. Le laboratoire latino-américain fut pourtant un terreau fertile pour le développement de ce type de structure. Si certains États comme la Colombie et l’Argentine ont pu agir par simple élargissement des fonctions conférées aux médiateurs de droit commun, la Bolivie et le Chili ont pu proposer la création d’une autorité dédiée à la protection de la nature.

L’Argentine tout d’abord, qui est citée en exemple dans le rapport de la députée Muschotti, a pu voir effectivement les missions du défenseur du peuple étendues à la protection de l’environnement. L’article 43 de la Constitution établit en effet la compétence du défenseur du peuple pour introduire une action d’amparo[35] afin de faire respecter les droits relatifs à l’environnement[36]. La loi-cadre précise quant à elle qu’une telle action peut viser à la restauration de l’environnement en cas de dommage environnemental collectif. Un « programme sur l’environnement et les droits humains » a alors été mis en place au sein du défenseur du peuple argentin dont la finalité est « d’évaluer et déterminer l’état de l’environnement [en Argentine], ainsi que de déterminer quelles problématiques environnementales requièrent une réponse rapide et efficace ». Il peut par conséquent formuler « des recommandations ou exhortations à l’État national, afin de proposer une législation environnementale en accord avec les standards internationaux »[37]. En Colombie, les choses sont légèrement différentes en ce que cette fonction de garantie de l’environnement ne repose pas sur le défenseur du peuple — en pratique un organe dépendant du ministère public colombien — mais sur le procureur général de la nation auquel la Constitution confère la fonction de « défendre les intérêts collectifs, en particulier l’environnement » (article 277.4). À cette fin, la loi-cadre de l’environnement prévoit l’établissement d’un procureur délégué pour les affaires environnementales chargé de veiller à la défense de l’environnement, d’intervenir auprès des autorités administratives et de police en défense de l’environnement ou des ressources naturelles renouvelables, veiller à la mise en œuvre des normes et décisions relatives à la défense de l’environnement et introduire, directement ou par le biais du défenseur du peuple, les actions constitutionnelles prévues pour la défense de l’environnement. Le rôle de cette autorité semble donc devoir se rapprocher de celui conféré à une autorité administrative spécialisée avec néanmoins une prédominance juridictionnelle. La dimension administrative du rôle habituellement conféré à un ombudsman se retrouve dans les fonctions confiées au « contralor » général de la nation, celui-ci devant d’une part évaluer « les coûts environnementaux » de la gestion fiscale de l’État (article 267 de la Constitution) et d’autre part, rendre un rapport annuel sur « l’état des ressources naturelles et de l’environnement » (article 268.7 de la Constitution)[38].

Si ces exemples d’adaptation d’institutions existantes à l’exigence de protection de l’environnement sont à même de diffuser cet impératif au sein de l’ensemble de l’appareil d’État, cela peut néanmoins apparaître insuffisant pour permettre la prise en compte des intérêts de la nature au détriment des intérêts humains lorsqu’est adoptée une approche écocentrique. En somme, pour que la nature puisse voir ses droits respectés, il paraît logique qu’elle dispose d’un défenseur attitré. La Constitution équatorienne, dans la mesure où elle est aujourd’hui la seule à reconnaître formellement la personnalité juridique de la nature, aurait pu être propice à une telle évolution. Or, c’est en Bolivie que l’idée a pu faire son chemin. Bien que la Constitution adoptée en 2009 ne fasse pas le saut de l’octroi de droits spécifiques à la nature, elle demeure largement empreinte d’écocentrisme, en témoigne la glorification de la Pachama — désignée en espagnol comme Madre Tierra[39]. Il en est ressorti une loi adoptée en 2010 sur les « droits de la terre nourricière ». Celle-ci est définie comme étant un « sujet collectif d’intérêt public », ce qui nécessite par conséquent l’établissement de mécanismes lui permettant d’exercer ses droits. En complément de l’actio popularis en défense du droit à l’environnement établie par l’article 34 de la Constitution, la loi prévoit l’institution d’un « défenseur de la terre nourricière » dont la mission « est d’assurer la validité, la promotion, la diffusion et le respect des droits de la terre nourricière ». La mise en place de cet organisme est néanmoins renvoyée à une loi ultérieure qui n’a pour l’heure pas été adoptée[40]. Cela peut s’expliquer par l’ambivalence de la conception bolivienne du buen vivir qui tend, comme le soulignent Alexis Le Quinio[41] et Franck Poupeau[42], à faire primer l’idéal de développement économique et social.

Suivant ce mouvement de reconnaissance des droits de la nature, le projet de Constitution chilienne (2022) s’est largement nourri de ces différents débats en proposant de manière inédite l’établissement par la Constitution d’un « défenseur de la nature ». Celui-ci aurait pour fonction « de promouvoir et de protéger les droits de la nature et les droits environnementaux garantis dans la présente Constitution et dans les traités internationaux sur l’environnement ratifiés et en vigueur au Chili, contre les actes ou omissions des organes de l’Administration de l’État et des entités privées » (article 148.1 du projet). Sa désignation relèverait conjointement des deux chambres sur la base d’une liste de trois noms proposés par les organisations environnementales de la société civile (article 150 du projet). Suite au rejet du projet de Constitution par référendum le 4 septembre 2022, rien n’indique qu’une telle institution puisse voir le jour, bien que les bases constitutionnelles du futur projet reprennent l’exigence de conservation de la nature et de la biodiversité[43].

 

   B. Le droit de l’environnement garanti par les juridictions

 

La construction de l’État de droit environnemental passe nécessairement par l’établissement de mécanismes de garanties juridictionnelles susceptibles de rappeler les différentes autorités publiques au respect du droit de l’environnement. L’idée n’a, en soi, rien de neuf et va s’incarner en Amérique latine comme ailleurs dans la place accordée au contentieux des normes, notamment en matière constitutionnelle (1). Mais il a pu également être envisagé de confier le contentieux environnemental à des juridictions spécialisées dans la préservation de l’environnement (2).

      1. Le recours classique au contentieux des normes

Tout d’abord, il convient de préciser que ce que l’on a coutume de désigner comme contentieux des normes repose sur l’idée d’un procès fait à la norme afin de s’assurer de sa conformité aux normes supérieures, suivant en cela la théorie kelsénienne de la hiérarchie des normes. Ce contentieux présente donc par nature un caractère objectif puisque le juge n’a pas pour fonction de statuer sur les droits des individus. Par conséquent, c’est un contentieux qui est essentiellement abstrait, le juge s’intéressant à l’acte plus qu’à son application. L’archétype même de ce type de contentieux repose dans ce que la doctrine désigne classiquement comme étant le modèle européen de contrôle de constitutionnalité des lois. Sans véritablement innover sur ce point, on pointera une accessibilité du contentieux des normes plus large en Amérique latine que ce qu’elle est en France. À ce titre, il convient de rappeler que la Constitution colombienne de 1886 comprenait déjà un mécanisme de contrôle a priori de la constitutionnalité des lois alors exercé par la Cour suprême en cas de conflit entre le Président et le Congrès sur la constitutionnalité de la loi soumise à promulgation. Elle fut par la suite révisée en 1910 afin d’introduire une action publique d’inconstitutionnalité ouverte à tout citoyen devant la Cour suprême.

La Colombie apparaît ainsi comme un État reposant sur une tradition ancienne de suprématie de la Constitution[44]. La Constitution de 1991 est venue conforter cela en instituant une puissante Cour constitutionnelle pouvant être assez largement saisie par la voie de l’action d’inconstitutionnalité. En effet, là où le système français réserve strictement la saisine du Conseil constitutionnel à des autorités déterminées (politiques en contrôle a priori, juridictionnelles en contrôle a posteriori), la Constitution colombienne prévoit en son article 40.6 la possibilité pour tout citoyen d’engager une action publique en défense de la Constitution et de la loi. Cette action sera en pratique très large et pourra porter sur quasiment tout type de norme[45]. Le grand nombre de normes de références constitutionnelles en matière environnementale en a fait logiquement un recours particulièrement prisé par les requérants. Il s’agit toutefois là d’un strict contentieux de norme à caractère objectif avec toutes les réserves qu’il convient d’avoir quant à l’effet utile des décisions rendues. Ce peut être un défaut, mais aussi une qualité en ce qui concerne la détermination de l’intérêt à agir du requérant. Ce faisant, la Cour constitutionnelle a pu statuer sur l’inconstitutionnalité de la chasse et de la pêche sportive[46] à la demande de citoyens dont l’intérêt à agir serait potentiellement discutable à partir du moment où la Constitution n’établit pas comme en Bolivie ou en Équateur une actio popularis en faveur de la nature. La Cour a cependant différé d’un an les effets de ces décisions afin de préserver le principe de confiance légitime à l’égard de ceux qui exercent une activité économique en lien avec ces pratiques.

Si l’action publique d’inconstitutionnalité peut donc présenter l’avantage de l’accessibilité, elle comprend tout de même des limites compte tenu du caractère abstrait du contrôle exercé par le juge. Cela a pu ressortir nettement de deux décisions rendues par la Cour constitutionnelle équatorienne dans lesquelles les requérants contestaient non pas la norme elle-même, mais les conséquences potentielles qu’elle peut avoir sur les droits de la nature. Dans la première affaire tranchée le 21 juillet 2015, il s’agissait pour le demandeur de remettre en cause une loi dont l’objet était notamment de permettre la régularisation de personnes exerçant de manière irrégulière des activités d’aquaculture[47]. Dans la seconde tranchée le 23 mai 2016, il était question de la validité d’un zonage particulier, alors perçu par le demandeur comme étant potentiellement le préalable au développement d’activités minières[48]. La Cour rejeta ces deux recours en faisant état du caractère « hypothétique » des allégations formulées par les requérants. Cela étant, la Cour a pu récemment redonner un certain intérêt à l’action publique d’inconstitutionnalité en concluant à deux reprises à la censure de normes entrant en contradiction avec les dispositions environnementales de la Constitution. La première censure, prononcée le 9 juin 2021, le fut seulement pour des raisons procédurales : portant sur une disposition réglementaire qui permettait la déviation d’un cours d’eau, la Cour estima qu’elle aurait dû être régie par une loi organique[49]. La seconde, prononcée le 8 septembre 2021, le fut en revanche pour des raisons plus substantielles en ce qu’elle vint remettre en cause la possibilité d’autoriser des activités productives dans les mangroves, sans que cela ne repose sur une délimitation claire[50]. Cette dernière décision illustre, de manière analogue à ce qui ressort des décisions colombiennes sur la chasse et la pêche, la propension du juge des normes à se poser la question des droits subjectifs dont sont susceptibles d’être investies les entités naturelles. Cela montre qu’en dépit de ses limites, le contrôle des normes peut constituer une voie de recours opportune afin de préciser la portée devant être accordée aux droits constitutionnels à l’environnement, dimension qui n’est pas sans rappeler les inflexions récentes du Conseil constitutionnel français en ce sens. Toutefois, le juge reste ici lié par les options limitées d’un contrôle de norme. Avant d’en arriver à des garanties subjectives susceptibles de répondre à cette exigence, il est intéressant d’évoquer tout d’abord le cas particulier des tribunaux environnementaux.

      2. Le recours novateur à des juridictions environnementales

L’idée de l’établissement de juridictions spécialisées dans la préservation de l’environnement s’est fortement développée ces dernières décennies[51]. La Nouvelle-Galles-du-Sud (entité fédérée de l’Australie) fut l’un des premiers États au monde à établir une telle institution avec la création en 1980 d’une cour pour la terre et l’environnement. Il s’agissait alors d’une juridiction pleinement indépendante exerçant une compétence exclusive sur les questions environnementales, qu’elles relèvent de la matière civile ou pénale. En Amérique latine, ce fut d’abord au Costa Rica que fut institué en 1994 un tribunal environnemental administratif. Son rôle se rapproche de celui d’un juge des normes spécialisé dans les questions environnementales avec néanmoins des pouvoirs d’investigation et de réparation plus larges que ne le serait la stricte invalidation de la norme contestée. Le positionnement institutionnel de cette institution comme « organe déconcentré du ministère de l’Environnement et de l’Énergie » interroge cependant sur son caractère véritablement juridictionnel[52]. A contrario, le Chili a fait le choix de l’établissement de juridictions pleinement indépendantes dont les caractéristiques particulières en ont fait un exemple remarqué de juridiction environnementale : ce sont les tribunaux de l’environnement[53].

Ceux-ci ont été institués par la loi 20.600 adoptée en 2012 débouchant progressivement sur la création de trois tribunaux répartis du nord au sud du pays : le 1er à Antofagasta, le 2e à Santiago et le 3e à Valdivia. L’une des particularités de ces tribunaux réside dans leur composition puisque, sur les trois juges qu’ils comprennent, il y a deux juristes et un scientifique spécialisé dans les questions environnementales. Leur compétence porte essentiellement sur des questions de contentieux administratifs liées à des mesures relatives à l’environnement (par exemple les normes relatives aux émissions de gaz à effet de serre, les plans de prévention ou de décontamination, les procédures d’évaluation environnementale…). À ce titre, ils peuvent être saisis uniquement sur des actions en réparation du dommage environnemental — un contentieux objectif donc —, l’aspect subjectif du contentieux relatif à l’indemnisation relevant des juridictions de droit commun. Ce contentieux apparaît alors essentiellement technique et soucieux du seul respect de la norme environnementale. On notera par exemple que face à une revendication visant à contester un projet de centrale hydroélectrique du fait de son incidence potentielle sur le changement climatique — au vu du risque sismique induit par le projet —, le 3e tribunal de l’environnement rejeta un tel moyen au motif que rien dans la loi chilienne n’imposait de tenir compte de ce facteur dans la réalisation des études d’impact[54]. Par conséquent, il a fallu attendre une modification de la loi-cadre sur l’environnement en 2022 (loi n° 21.455) pour qu’une telle exigence puisse devenir un objet de contrôle dans le contentieux environnemental chilien. Notons cependant que l’objet de ce contentieux résidant exclusivement dans la réparation du dommage environnemental, le caractère licite ou non de l’action qui est à l’origine du dommage aura surtout un enjeu en matière de charge de la preuve, la loi prévoyant une présomption de responsabilité en cas de violation par l’auteur du dommage d’une norme de caractère environnemental[55]. Dans le cas contraire, le requérant devra apporter la preuve de l’existence d’une faute commise par l’auteur du dommage, ce qui ne sera pas toujours chose aisée au regard de la complexité des faits pouvant conduire au dommage environnemental.

Pour faire face à cette difficulté, il convient toutefois de souligner que les tribunaux ont développé une conception large de l’intérêt à agir. Or, cela n’avait rien d’évident à l’origine, la loi-cadre sur l’environnement semblant limiter au contraire l’accès à ce contentieux aux seules personnes directement affectées par le dommage environnemental, traduisant ainsi une « vision individualiste » du droit[56]. Mais comme le souligne la professeure Moraga Sariego, les tribunaux de l’environnement ont pu élargir la notion d’atteinte directe en admettant l’action des personnes physiques dès lors qu’elles « habitent ou développent leur activité principale dans le territoire où le dommage se produit ou se manifeste »[57]. Il en va de même concernant les personnes morales, l’action pouvant être ouverte au regard de l’objet social consacré par leurs statuts[58]. Sans constituer clairement une actio popularis en matière environnementale sur le modèle bolivien ou équatorien, cette extension de l’intérêt à agir n’en est pas moins un moyen de faire émerger une approche moins anthropocentrée en termes de protection de l’environnement qui constitue bien ici un intérêt objectif. Cela n’est pas sans rappeler le mécanisme français de réparation du préjudice écologique bien que celui-ci relève aujourd’hui des juridictions civiles de droit commun[59]. La technicité et la transversalité des contentieux environnementaux interrogent alors sur l’opportunité d’établir des juridictions spécialisées et ce, d’autant plus eu égard à la connexité de la dimension objective du dommage avec les droits subjectifs qu’il est susceptible d’affecter.

 

II. Des garanties subjectives de l’État de droits environnementaux

 

L’une des caractéristiques récurrentes du constitutionnalisme latino-américain contemporain réside dans la multiplication des droits et libertés constitutionnellement garantis. Si cela ressort naturellement des textes inspirés par le mouvement du nuevoconstitutionnalisme, une telle dimension se retrouve également dans des textes plus anciens tels que la Constitution colombienne de 1991 ou la Constitution péruvienne de 1993. Même la Constitution chilienne de 1980, pourtant inspirée par la dictature, comprend un catalogue de droits et libertés relativement étoffé. Parmi ces droits subjectifs se retrouvent aujourd’hui systématiquement des droits environnementaux, généralement attachés à la personne humaine, mais pouvant s’étendre à des sujets collectifs — tels que les peuples autochtones — voire s’appliquer à des sujets non nés — les générations futures — ou non-humains — la nature, les animaux… Ce mouvement paraît par ailleurs devoir se renforcer suite à l’entrée en vigueur en 2021 de l’Accord d’Escazú, dont la finalité est notamment de renforcer l’accès à la justice environnementale afin d’assurer « la protection des droits de toute personne relevant des générations présentes et futures à vivre dans un environnement sain »[60]. La consécration de tels droits, que l’on retrouve aujourd’hui plus ou moins largement dans le constitutionnalisme français, s’est avérée particulièrement porteuse dans le contexte latino-américain au regard des perspectives offertes par le recours d’amparo. En effet, si celui-ci a permis de substantialiser la garantie des droits environnementaux pour les justiciables (A), il va également apparaître comme étant le recours idoine pour garantir les droits environnementaux des non-justiciables (B).

 

   A. Les droits environnementaux garantis pour les justiciables

 

En reconnaissant aux individus « le droit de vivre dans un environnement libre de pollution » (article 19.8), la Constitution chilienne de 1980 a montré la voie aux autres Constitutions du continent qui reconnaissent presque toutes un droit subjectif à l’environnement avec néanmoins des terminologies plus ou moins ambitieuses. Si ce droit a été d’abord envisagé comme devant être exclusivement un droit individuel (1), l’ampleur des conséquences induites par les dommages environnementaux va progressivement conduire à lui conférer un caractère collectif (2).

      1. L’action en garantie des droits individuels

Contrairement à l’action d’inconstitutionnalité, le recours d’amparo présente la double caractéristique de comporter une dimension nécessairement concrète et de conduire le juge à statuer directement sur les droits fondamentaux dont le requérant estime avoir été privé, que ce soit du fait d’une action ou d’une omission. Le requérant est donc ici au centre de la procédure, ce qui en fait par excellence un recours de protection des droits individuels. Selon les États, plusieurs variantes pourront exister, que ce soit dans la détermination des droits garantis, des juges compétents ou encore de l’existence ou non d’une voie de recours auprès d’une juridiction constitutionnelle.

Au Chili tout d’abord, la procédure prévue par l’article 20 de la Constitution permet effectivement à tout requérant de faire valoir son droit constitutionnel à vivre dans un environnement libre de pollution. Ce recours est cependant réservé aux cours d’appel avec la possibilité d’un recours devant la Cour suprême. Par conséquent, le Tribunal constitutionnel chilien ne peut intervenir dans la procédure, ce qui peut créer des conflits d’interprétation quant au contenu du droit[61]. La formulation de ce droit implique par ailleurs une tendance générale à ce qu’il soit perçu comme un droit subjectif individuel[62]. Aussi, les requérants qui entendent s’en prévaloir devront démontrer l’atteinte directe qui leur est causée par l’action ou l’omission contestée. Notons toutefois que l’ampleur que peuvent avoir certains dommages environnementaux a pu conduire les juridictions chiliennes à développer une conception large du droit à vivre dans un environnement libre de pollution, la Cour suprême ayant même pu concevoir le caractère collectif que peut présenter ce droit[63]. Mais seul son volet individuel peut faire l’objet du recours constitutionnel de protection[64], la Cour ayant rejeté ainsi l’action présentée par les municipalités de Quintero et Punchuncavi visant à contester l’atteinte portée aux droits de leurs habitants du fait d’une marée noire s’étant abattue sur la baie[65]. L’ouverture du recours en réparation du dommage environnemental devant les tribunaux environnementaux vient pourtant tempérer cette analyse, la Cour ayant pu admettre par la suite la possibilité pour une municipalité d’agir afin de concrétiser « un intérêt municipal en lien avec la sauvegarde de l’environnement communal »[66]. Il semble néanmoins que ne soit pas admise ici une capacité de la municipalité à agir de manière générale au nom de ses habitants, mais plutôt d’agir afin de faire valoir le droit « individuel » de la municipalité à vivre dans un environnement libre de pollution.

La situation apparaît peu ou prou similaire au Mexique, tant dans la portée du droit constitutionnel à l’environnement — qui se résume essentiellement à une disposition consacrant le droit à un environnement sain — que dans la manière dont est organisée la procédure d’amparo[67]. Ajoutons que ce droit a été initialement introduit en 1999 par une révision constitutionnelle au sein du titre I relatif aux « garanties individuelles ». La révision constitutionnelle de 2011, en renommant le titre I comme portant désormais sur les « droits de l’homme et leur garantie » a contribué à donner une portée plus large aux droits consacrés[68]. Les juges fédéraux mexicains ont, par conséquent, estimé que le droit à un environnement sain n’est pas seulement un droit individuel, mais qu’il relève également de « la catégorie des droits collectifs et diffus, droits de solidarité réalisables uniquement par le biais d’un esprit fraternel de coopération »[69]. Mais comme au Chili, l’action en protection demeure accessible uniquement par les personnes qui sont directement lésées dans leur droit à l’environnement. La décision n° 307/2016, qui constitue aujourd’hui une référence dans le contentieux environnemental mexicain[70], dénote bien cette essence individualiste de la procédure mexicaine de garantie des droits fondamentaux[71]. À l’origine de l’affaire se trouve un recours d’amparo initié par deux personnes à l’encontre d’un projet de parc thématique s’étendant sur environ 16 hectares de mangrove. Alléguant d’une atteinte portée à leurs droits constitutionnels à un environnement sain et à la santé, leur recours fut rejeté par le juge de district en ce que les requérants n’ont pu prouver être directement affectés par le projet. Ils firent appel de cette décision, faisant valoir les importants services écosystémiques offerts par la mangrove, notamment la diminution des inondations et l’absorption de carbone. La Cour suprême de justice de la Nation décida de connaître directement du cas et renversa la décision rendue par le juge de district. Sans revenir sur le fond de l’affaire, la Cour a pu ici développer une conception large de l’intérêt à agir en admettant, sur le modèle des tribunaux environnementaux chiliens, que cet intérêt est présumé pour les personnes « qui habitent ou utilisent la zone d’influence, comme bénéficiaires des services environnementaux »[72]. Sans constituer une actio popularis, les notions de « zone d’influence » et de « bénéficiaires des services environnementaux » peuvent être définies plus ou moins largement. Aussi, cet exemple illustre la nature particulière du droit à l’environnement. Bien qu’étant conçu tant au Chili qu’au Mexique comme devant être un droit individuel, les juridictions reconnaissent le fait qu’il participe à la réalisation d’un intérêt collectif eu égard à son caractère diffus.

      2. L’action en garantie des droits collectifs

Contrairement à l’approche essentiellement individualiste des droits fondamentaux en France, la reconnaissance des droits des peuples autochtones et communautés paysannes dans le constitutionnalisme latino-américain des dernières décennies a progressivement ouvert la voie à des actions en garantie de droits collectifs. Par extension, cela aura été propice à favoriser les contentieux liés au respect des droits environnementaux dans la mesure où le dommage environnemental aura tendance à préjudicier des communautés entières. La Colombie constitue à ce titre une double référence, tant par l’ampleur des droits consacrés par la Constitution de 1991, que par les mécanismes de protection qui laissent ici une large place à la Cour constitutionnelle. Deux types d’action sont prévus par la Constitution en matière de droits fondamentaux : l’action de tutela d’une part (régie par l’article 86 de la Constitution), qui correspond à l’amparo ; l’action populaire d’autre part (régie par l’article 88 de la Constitution). Cette dernière est alors spécifiquement dédiée à la défense d’intérêts collectifs, notamment en matière environnementale, ce qui avait pu conduire la Cour constitutionnelle à estimer dans un premier temps que cette action constitue le moyen idoine pour protéger l’environnement[73]. Mais la plus grande accessibilité de l’action de tutela, ajoutée au phénomène de subjectivation du droit à l’environnement[74] et sa conjonction avec d’autres droits fondamentaux, va conduire progressivement les requérants à privilégier ce type de recours[75]. Bien qu’excédant ainsi l’esprit initial de la tutela, la Cour constitutionnelle a pu admettre cette évolution de la portée de l’amparo colombien, désormais ouvert pour la garantie de droits collectifs ce qui prendra généralement la forme d’une extension de la mesure de protection demandée à des personnes se trouvant dans une situation juridique similaire[76]. La fameuse décision Atrato[77], qui a vu la Cour reconnaître la personnalité juridique d’un fleuve, relève nettement de cette logique puisqu’à l’origine, les requérants, membres de plusieurs communautés locales, demandaient seulement que soit mis fin à la pollution du fleuve eu égard à l’atteinte portée à leurs droits fondamentaux. Or, la Cour statua non seulement en faisant valoir l’intérêt collectif des communautés vivant aux abords du fleuve, mais en concluant également au nécessaire respect des droits d’un sujet qui n’est pas partie à l’audience, en l’occurrence le fleuve lui-même.

Si la jurisprudence colombienne se démarque par son audace, elle montre bien le fait qu’en dépit des limites du cadre constitutionnel, la procédure d’amparo offre tant aux juges qu’aux requérants une capacité à réinventer les contours du contentieux environnemental. L’évolution de l’office du juge mexicain en la matière en est un bel exemple. Suite à l’inflexion de la Cour suprême en faveur d’une extension de l’intérêt à agir dans le domaine environnemental, l’ONG Greenpeace Mexico a pu enregistrer un certain nombre de victoires devant les juridictions du fond. Il en va notamment ainsi des questions liées au dérèglement climatique en ce que ce phénomène porte atteinte à « l’intérêt universel des générations présentes et futures »[78]. Ce faisant, une organisation dont l’objet social est de protéger l’environnement et veiller à la préservation et à la restauration de l’équilibre écologique est logiquement habilitée à contester par la voie de l’amparo la politique énergétique du pays[79] et, plus généralement, la trajectoire de réduction des émissions de CO2[80].

Cette tendance à l’élargissement du champ de l’action de protection en matière environnementale à des intérêts collectifs paraît se retrouver également en France. Cela ressort notamment de la reconnaissance générique de l’intérêt à agir en ce domaine à des associations de protection de la nature et de l’environnement[81] et de l’ouverture, depuis 2016, de la possibilité d’une action de groupe en cas de préjudice écologique[82]. Ces voies de recours ne semblent néanmoins pas devoir s’étendre à la garantie des droits subjectifs à l’environnement, le raisonnement suivi dans « l’Affaire du Siècle » reposant essentiellement sur des considérations de droit objectif. Mais une évolution potentielle de la finalité de ces voies de recours ne serait pas nécessairement exclue à l’image de ce qui s’est produit au Costa Rica. En effet, malgré une norme constitutionnelle relativement peu bavarde sur le sujet, il y a eu ici un véritable volontarisme de la chambre constitutionnelle de la Cour suprême pour substantialiser ce droit en faisant découler du droit à un environnement sain les principes de développement durable, de participation ou encore de non-régression. Mais c’est surtout dans l’accessibilité au prétoire que le Costa Rica se distingue avec l’émergence d’une véritable procédure d’amparo adaptée aux questions environnementales. En effet, là où il est généralement demandé un minimum d’éléments quant à l’intérêt à agir, la chambre constitutionnelle estime que le caractère diffus de l’exigence de protection de l’environnement exonère le requérant de toute obligation de justification quant à « l’existence d’un dommage direct et individuel ou individualisable »[83]. De surcroît, quand bien même le requérant se désisterait, la Cour peut s’estimer toujours compétente pour résoudre l’affaire au fond[84]. Dès lors, l’action de protection des droits environnementaux excède clairement la seule situation du justiciable, ouvrant par voie de conséquence la question des garanties pour les non justiciables.

 

   B. Les droits environnementaux garantis pour les non justiciables

 

Si le juge latino-américain des libertés apparaît globalement plus accessible et investi potentiellement de prérogatives plus larges que n’en disposent les juges français — encore qu’il pourrait y avoir débat quant à l’office du juge du référé-liberté —, c’est surtout dans la reconnaissance de droits fondamentaux à des entités non justiciables que le particularisme latino-américain se distingue des mécanismes existants en Europe. L’existence tout d’abord de la possibilité d’introduire une action en garantie des droits au nom d’êtres humains qui ne peuvent physiquement être justiciables pourrait éventuellement se concevoir (1). Les choses paraissent en revanche autrement plus déroutantes concernant les actions en garantie des droits détenus par des sujets non-humains (2).

      1. L’action en garantie des droits des humains non justiciables

L’existence de sujets de droit incapables d’agir en justice n’a en soi rien d’exceptionnel si l’on pense aux différents régimes d’incapacité existant en droit français. On songe ici essentiellement aux incapacités juridiques frappant les mineurs et les personnes placées sous tutelle. Mais il peut exister aussi des « personnes » dont l’incapacité d’agir en justice n’est pas seulement juridique, mais également physique. Dans le contexte particulier de certains pays latino-américains, cela peut concerner des sujets déterminés, en l’occurrence les peuples non contactés. Or, ces peuples sont particulièrement vulnérables face aux altérations de leur environnement et nécessitent l’obtention d’une protection spéciale afin de faire valoir leurs droits fondamentaux[85] — que ce soit à titre individuel ou collectif — sans pour autant renoncer à leur isolement volontaire. À ces sujets, dont la non-justiciabilité repose avant tout sur un choix, s’ajoute une deuxième catégorie de sujet pouvant être plus discutable du fait de son caractère indéterminé : les générations futures. Si ce paramètre tend à se développer dans le droit français de l’environnement, il s’agit avant tout d’un aspect objectif visant à déterminer la validité de la norme environnementale et non une entité pouvant être investie de droits subjectifs[86]. L’existence d’un cadre latino-américain plus favorable à la notion de droits collectifs a pu néanmoins ouvrir le débat quant à la possibilité d’introduire un recours en garantie des droits des générations futures.

Pour ce qui concerne tout d’abord les peuples non contactés, deux mécanismes de protection sont généralement envisagés. D’un côté, le fait de confier à l’État la responsabilité de veiller à la garantie de leurs droits, supposant ce faisant une approche plus objective que subjective du mécanisme de garantie. C’est en pratique le choix opéré par la Bolivie, une loi spéciale ayant été adoptée en 2013 à cette fin[87]. Est alors instituée une direction spéciale placée sous l’autorité de l’exécutif et devant veiller au respect de leurs droits. Par ailleurs, la loi prévoit plusieurs incriminations pénales, notamment la répression du génocide et de l’entrée non autorisée sur le territoire d’un peuple autochtone déclaré en situation de haute vulnérabilité. Cette approche comprend toutefois une limite fondamentale dans le cas où l’État lui-même menace par son action les droits de ces peuples. L’autre approche résidera donc dans l’ouverture de la procédure d’amparo en leur nom sans pour autant que cela ne nécessite leur consentement. Ce type de recours a pu notamment se développer au Pérou, le tribunal constitutionnel ayant pu conjuguer d’une part, le code de procédure constitutionnelle qui ouvre l’amparo à n’importe quel justiciable en cas de « menace ou de violation du droit à l’environnement ou autres droits diffus qui bénéficient de la reconnaissance constitutionnelle » ; d’autre part la loi-cadre n° 28.611 relative à l’environnement qui offre le droit à toute personne à une « action rapide, simple et effective, devant les autorités administratives et juridictionnelles, en défense de l’environnement » ; enfin les garanties offertes par la loi n° 28.736 relative à la protection des peuples en situation d’isolement volontaire. Par conséquent, le tribunal estime que « toute personne naturelle ou juridique peut présenter une ordonnance ou demande devant les autorités concernant les droits des communautés en isolement ou populations en situation de vulnérabilité »[88]. Ajoutons que les juridictions du fond ont pu de leur côté considérer que face à des demandes portées par des groupes et sujets en situation de vulnérabilité, il convient d’adopter des « critères pondérés » compte tenu des difficultés propres à ces populations à accéder aux mécanismes judiciaires[89]. Le caractère diffus des droits environnementaux ajouté à la vulnérabilité du sujet affecté renforce donc l’exigence d’ouverture des recours en garantie. La transposition d’une telle analyse aux générations futures pourrait alors être interrogée.

L’actualité des contentieux climatiques a montré la multiplication des contentieux portés par des enfants[90]. Bien que s’agissant de recours visant généralement à la préservation de leurs propres droits, ils auront bien souvent vocation à incarner les intérêts des générations futures, voire de l’espèce dans son ensemble. Cette dimension a été clairement mise en avant dans la décision rendue par la Cour suprême colombienne le 5 avril 2018[91]. Faisant suite à une action introduite par 25 jeunes et enfants en contestation des dommages causés à l’Amazonie colombienne, la Cour a estimé que les requérants étaient aptes non seulement à défendre leurs intérêts, mais aussi ceux des générations futures, des « no-nativos », l’idée assumée étant de faire valoir un « devoir éthique de solidarité de l’espèce »[92]. Sans faire des générations futures un sujet de droit à part entière, leur statut de victimes potentielles du dérèglement climatique renforce nettement le poids de la revendication portée par les requérants. Un tel constat peut être également opéré en Argentine dans le cadre du contentieux relatif aux incendies récurrents dans le détroit de Paraná. Bien que plusieurs actions avaient été introduites sur le sujet, la Cour a choisi de statuer au fond sur la seule requête présentée par l’association civile Equistica, faisant droit à ses demandes en ordonnant la création d’un comité d’urgence environnementale pour gérer la situation[93]. Face toutefois à l’action introduite par 5 enfants qui entendaient agir au nom des générations futures, la Cour souligna la singularité d’un tel recours qui paraît devoir renforcer « la légitimité active à agir »[94]. Mais elle se borna au fond à renvoyer à sa précédente décision, sans répondre aux demandes inédites formulées dans cette action. De fait, l’indéfinition des générations futures comme sujet de droit a pu conduire les requérants à rediriger leur demande en sollicitant la préservation d’un sujet déterminé et potentiellement intangible : le détroit de Paraná lui-même. Cela ouvre ainsi la voie à la question de la reconnaissance d’un droit environnemental subjectif directement attribué à des entités naturelles, soit des sujets non-humains.

      2. L’action en garantie des droits des non-humains

Sans être une spécificité latino-américaine, la reconnaissance de la qualité de sujet de droit à des entités naturelles s’est largement développée ces dernières années sur le continent. Deux grandes raisons ont pu motiver une telle évolution. En premier lieu une raison d’ordre éthique visant à reconnaître à la nature des droits propres, en rupture avec le cartésianisme occidental qui en faisait jusqu’alors un strict objet d’appropriation. Cette approche est celle qui prévaut en Équateur où la Constitution reconnaît de manière générale la personnalité juridique de la nature. En second lieu une raison pratique visant à permettre d’apporter une réponse plus efficace aux violations répétées des droits individuels, collectifs et intergénérationnels à un environnement sain. C’est ici ce qui a caractérisé la reconnaissance par les juges colombiens de la personnalité juridique de plusieurs éléments naturels spécifiques afin de donner plein effet aux mesures de protection prononcées. Ces deux approches font en cela écho à la dichotomie proposée par Marie-Angèle Hermitte entre personnification substantielle et personnification procédurale. La première tend à aligner les droits dont disposent les non-humains sur ceux des humains. La seconde visera seulement à faciliter l’accès au prétoire pour la défense des intérêts des non-humains[95].

En reconnaissant de manière générale la qualité de sujet de droit à la nature, la Constitution équatorienne de 2008 penche pour la thèse de la personnification substantielle en promouvant l’idéal biocentrique de l’égalité biosphérique. Par conséquent, l’action de protection — qui correspond à un amparo — y est ouverte au bénéfice de l’ensemble des sujets de droits, ce qui inclut donc les entités naturelles. Celles-ci étant nécessairement représentées, cela impliquera une logique d’actio popularis. La procédure est analogue à celle de la tutela, avec une action « ordinaire » devant les juges du fond et une action « extraordinaire » devant la Cour constitutionnelle. Les difficultés dans la mise en place et le fonctionnement de cette dernière ont initialement nui à la réalisation effective des actions de garantie en faveur des droits de la nature[96]. Les choses ont évolué suite au renouvellement de la Cour en 2019 et celle-ci a pu statuer à plusieurs reprises en faveur des droits d’entités naturelles, notamment ceux de la forêt de Los Cedros[97], du Rio Aquepi[98] ou encore du Rio Monjas[99]. Dans chacune de ces affaires, la Cour s’est attachée à examiner les particularités propres aux entités naturelles concernées en les rapportant aux intérêts humains concordants ou concurrents. La plus-value de l’octroi de la qualité de sujet de droit aux entités naturelles peut néanmoins être interrogée[100], la préservation des espaces naturels participant de fait à la préservation des droits humains, qu’ils soient immédiats ou futurs. Les choses paraissent en revanche plus discutables concernant la reconnaissance de la personnalité juridique d’un animal sauvage — en l’occurrence une guenon chorongo prénommée Estrellita — pour lequel la Cour a reconnu le bien-fondé d’une action d’habeas corpus[101]. Point de droit humain ici puisque l’habeas corpus, d’abord introduit par une personne s’étant estimée injustement dépossédée de l’animal, se solda par une décision dans laquelle la Cour se prononça uniquement sur les droits de l’animal en condamnant le comportement de l’ensemble des parties humaines — la requérante, l’État, le zoo où la guenon est finalement morte.

A contrario, le juge colombien s’est montré plus pragmatique dans la manière dont il a pu conclure à la capacité d’entités naturelles à faire valoir leurs droits subjectifs, optant alors plutôt pour l’approche de la personnification procédurale. De fait, bien qu’ayant adopté une posture écocentrique nettement plus radicale dans les termes employés — Franck Lafaille parle ainsi « d’admonestation morale » faite à l’humanité dans la décision Atrato[102] —, le juge colombien a fait de l’octroi de la personnalité juridique à des entités naturelles, un instrument de protection et de réparation. En ce sens, lorsque s’est posée la question de l’octroi de l’habeas corpus à un animal — ici un ours prénommé Chucho —, il y a eu dissonance entre le juge ordinaire et la Cour constitutionnelle. La chambre civile de la Cour suprême avait tout d’abord fait droit à la demande, ordonnant la libération de l’ours dont le transfert dans un zoo pour des raisons de « santé » n’apparaissait pas justifié[103]. La Cour constitutionnelle, saisie d’une action de tutela par le zoo, rejeta cette analyse, estimant que l’habeas corpus n’est pas une action appropriée pour défendre les droits des animaux. Elle reconnaît toutefois le fait que l’ordre constitutionnel colombien induisant un mandat en faveur du bien-être animal, il importe « d’avancer dans l’identification et dans le perfectionnement des outils procéduraux pour garantir ce mandat, et pour canaliser les débats relatifs à l’enfermement et la captivité des animaux sauvages »[104].

Par cette décision, la Cour montre que si l’attribution de droits équivalents aux entités naturelles à ceux dont disposent les êtres humains n’est pas une fin en soi, elle conclut néanmoins en insistant sur la nécessité de prévoir des voies de recours adéquates à la préservation de ces droits. Parfois, cela nécessitera d’en passer par l’octroi de la personnalité juridique. D’autres fois, il s’agira d’élargir les mesures de protection au-delà du seul intérêt des parties compte tenu du caractère diffus du droit qu’il convient de garantir. Enfin, cela pourra seulement nécessiter une interprétation large de l’intérêt à agir afin que le juge puisse intervenir en garantie des droits environnementaux. Par comparaison, le droit français ne semble aujourd’hui nullement ouvert à l’attribution de la personnalité juridique à des éléments naturels. Cependant, la définition large du préjudice écologique comme impliquant prioritairement une exigence de réparation en nature des dommages causés à l’environnement dénote une conception tenant compte non seulement du préjudice subi par les êtres humains, mais aussi celui subi par des entités naturelles non-humaines[105]. Le droit français a pu également évoluer ces dernières années en ce qui concerne le statut juridique des animaux, reconnus désormais comme « êtres vivants doués de sensibilité », ce qui correspond peu ou prou au statut qui est le leur en droit colombien.

 

 

En conclusion de cette étude, on ne peut que relever la grande diversité des solutions proposées par les États latino-américains pour répondre au défi de la protection de l’environnement. S’il y a très certainement des effets d’influence entre les modèles nationaux, chacun aura pu cultiver sa spécificité, que ce soit par l’établissement d’un contentieux environnemental spécialisé ou par l’attribution de droits particuliers à des entités naturelles. On notera alors que la reconnaissance des droits de la nature tend au final à faire émerger un intérêt général transcendantal susceptible de rejoindre en pratique la logique des garanties objectives de l’État environnemental de droit. De plus, il convient de souligner qu’au-delà de l’ambition du texte, la réalisation effective de l’État de droits environnementaux dépendra d’abord du volontarisme des juges, l’exemple du Costa Rica étant en cela particulièrement éminent. Par conséquent, si le juriste français pourrait regarder avec envie l’arsenal latino-américain de protection de l’environnement, il importe d’avoir à l’esprit le fait que le contexte juridique dans lequel se sont développées ces garanties n’apparaissait pas beaucoup plus riche que ne le sont les droits environnementaux en France. On ne peut en ce sens que souscrire aux conclusions de Marthe Fatin-Rouge Stefanini et Laurence Gay qui estiment que s’il est peu probable de pouvoir transposer de tels dispositifs dans le droit français, on « trouverait une alternative tout à fait convenable dans une meilleure utilisation des voies de droit existantes »[106]. À ce titre, il ne faut pas minorer les potentialités offertes par le droit français en matière de protection de l’environnement. En ce sens, la législation française sur le devoir de vigilance des entreprises vient apporter un complément intéressant aux dispositifs existants en Amérique latine en matière de responsabilisation des entreprises multinationales[107]. Sans être à proprement parler une affaire environnementale, le contentieux relatif aux éoliennes installées par EDF sur le territoire de la communauté d’Union Hidalgo illustre bien cette complémentarité d’action : les requérants ont en effet pu à la fois initier une procédure d’amparo devant les juridictions mexicaines tout en poursuivant EDF devant le Tribunal judiciaire de Paris. Ce faisant, les exigences de consultation préalable des peuples autochtones établies par le droit mexicain ont pu être reprises dans le plan de vigilance de l’entreprise du fait des poursuites encourues devant les juridictions françaises. Compte tenu du caractère global des problématiques environnementales, on peut supposer qu’un phénomène de convergence analogue puisse se développer, tant en ce qui concerne la nature des droits que des mécanismes de garantie. Nous pouvons compléter en rappelant d’une part que la France, via la Guyane française, est également un État sud-américain concerné par la préservation de l’Amazonie et que d’autre part, l’ampleur du défi que constitue l’exigence de protection de l’environnement nécessite de mobiliser le meilleur des deux mondes.

 

[1] Affaire ayant vu pour la première fois l’engagement de la responsabilité de l’État du fait du préjudice écologique causé par le non-respect des exigences de réduction des émissions de CO: TA Paris, 3 février 2021 et 14 octobre 2021, Oxfam France et autres.

[2] Cass., crim. 25 septembre 2012, n° 10-82.938.

[3] Cons. Const., 12 août 2022, Loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, n° 2022-843 DC, note Maxime Charité, JCP G, 2022, p. 1612.

[4] CE, 1er juillet 2021, Commune de Grande-Synthe, n° 427301, AJDA, 2021, p. 2115, note Hubert Delzangles.

[5] CE, ord. 20 septembre 2022, n° 451129, AJDA, 2022, p. 2002, note Thomas Janicot, Dorothée Pradines.

[6] On mentionnera dans les dernières années la seule décision n° 2021-971 QPC relative à la prolongation de plein droit de certaines concessions minières, la censure ayant été cependant délimitée dans le temps compte tenu des évolutions de la législation.

[7] V. Emilie Chevalier, Jessica Makowiak (dir.), « Dix ans de QPC en matière d’environnement : quelle (r)évolution ? », Titre VII, Hors-série, Octobre 2020.

[8] Gavin Marfaing, « L’affaire du Siècle : une victoire en demi-teinte pour le droit de l’environnement », RJE, vol. 47, 2022/2, p. 257-260.

[9] ONU Info, « Incendies, ouragans et sécheresses : le changement climatique va frapper durement l’Amérique latine (OMM) », 17 août 2021, [en ligne].

[10] V. Franck Lafaille, « Constitutionnalisme écocentrique (Andin) versus Constitutionnalisme anthropocentrique (Occidental) », in Victoria Chiu, Alexis Le Quinio (dir.), La protection de l’environnement par les juges constitutionnels, L’Harmattan, 2021, p. 201-220.

[11] Michel Prieur, « Le projet de troisième pacte international relatif au droit des êtres humains à l’environnement de 2017 », RJE, vol. 45, 2020/2, p. 269-277.

[12] CDH, 22 septembre 2022, Daniel Billy et al. c. Australie, CCPR/C/135/D/3624/2019, RJPENC, 2023/41, p. 180-192, note Florian Aumond : dans cette affaire, le Comité conclut à la violation par l’Australie des articles 17 et 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) compte tenu de l’insuffisance des mesures prises par l’Australie pour protéger les requérants — appartenant au peuple autochtone des insulaires du détroit de Torres — face à la montée des eaux.

[13] Roberto Gargarella, Christian Courtis, « El nuevo constitucionalismo latinoamericano : promesas e interrogantes », CEPAL, n° 153, 2009, p. 21.

[14] Pedro Salazar Ugarte, « Garantismo y Neoconstitucionalismo frente a frente : algunas claves para su distinción », Doxa : Cuadernos de Filosofía del Derecho, n° 34, 2011, p. 289-310.

[15] Cité par Alexis Le Quinio, « Le juge constitutionnel et la reconnaissance de droits au profit de la nature : réflexion à l’aune des exemples de la Bolivie et de l’Équateur », in Victoria Chiu, Alexis Le Quinio (dir.), op. cit., p. 265.

[16] Cette approche globalisante est celle retenue par la Constitution équatorienne de 2008 sans que ne soit pourtant défini ce que recouvre le concept de Nature. Tout au plus, la Constitution se borne à indiquer qu’il s’agit du lieu « où se reproduit et réalise la vie ».

[17] Sur la distinction de ces deux conceptions, v. Catherine Larrère, « Les éthiques environnementales », Natura Sciences Sociétés, vol. 18, 2010/4, p. 405-413.

[18] Cosimo Gonzalo Sozzo, « Vers un “État écologique de droit” ? Les modèles du Buen vivir et de développement perdurable des pays d’Amérique du Sud », RJE, HS18, 2019, p. 89-102.

[19] Le buen vivir implique ainsi un système de développement basé sur l’idée d’harmonie avec la nature. V. Victor Audubert, « La notion de Vivir Bien en Bolivie et en Équateur, réelle alternative au paradigme de la modernité ? », Cahier des Amériques latines [en ligne], n° 85, 2017, p. 91-108.

[20] Alberto Acosta, « Los derechos de la naturaleza. Algunos fundamentos no solo jurídicos para otra civilización », in  Marianella Ledesma Narváez (dir.), Justicia e interculturalidad, Tribunal constitucional del Perú, 2018, p. 320-322.

[21] C’est ce qui ressort incidemment de la décision n° 2022-843 DC précitée.

[22] Thomas Deleuil, « La protection de la “terre nourricière” : un progrès pour la protection de l’environnement », RJE, vol. 42, 2017/2, p. 264.

[23] Cosimo Gonzalo Sozzo, op. cit. p. 90.

[24]Michel Prieur et autres, Droit de l’environnement, 8e éd., Dalloz, 2019, § 8.

[25] Ibid, § 37 et suivants.

[26] Notre décompte pouvant être éventuellement discuté quant à la question de savoir ce que recouvre la notion de « disposition environnementale ».

[27] Pour des raisons de style, nous avons choisi de privilégier dans cet article l’adjectif environnemental à l’adjectif écologique lorsqu’il s’agit de qualifier l’État de droit. Les deux nous paraissent néanmoins être synonymes dans ce contexte, ce dont semble convenir le professeur Sozzo. Cosimo Gonzalo Sozzo, op. cit., p. 92.

[28] Pierre Gautreau, « Le laboratoire environnemental latino-américain au XXIe siècle », L’information géographique, vol. 85, 2021/4, p. 64-65.

[29] Affirmation formulée la première fois dans sa décision T-411/92 rendue le 17 juin 1992. La Cour liste dans cette décision 34 dispositions constitutionnelles ayant trait à des questions environnementales.

[30] Cour constitutionnelle colombienne, 10 novembre 2016, décision T-622/16, §5.1.

[31] On renverra sur ce point à l’analyse faite par Valérie Bernaud et Felipe Calderon-Valencia qui soulignent l’apport des nombreuses agences et instituts attachés au ministère de l’environnement. Valérie Bernaud, Felipe Calderon-Valencia, « Un exemple de constitutionnalisme vert : la Colombie », RFDC, n° 122, 2020/2, p. 334-335.

[32] On notera sur ce point que les juridictions argentines ont pu admettre avant la réforme de 1994 la possibilité de faire valoir ce type d’intérêt par la voie du recours d’amparo, alors dédié à la préservation des droits fondamentaux. Fernando Arlettaz, « Constitution et environnement — Rapport Argentin », AIJC, 35-19, 2020, p. 115-116.

[33] Acte constitutif du COFEMA annexé à la loi-cadre 25.675, Article 2.

[34] Décret n° 2022-1165 du 20 août 2022 portant création et organisation de l’inspection générale de l’environnement et du développement durable.

[35] Soit un recours visant à permettre un contrôle concret de la constitutionnalité des normes ou actions contestées.

[36] À noter que la Cour supérieure de justice de la Nation a pu également admettre la capacité du Défenseur du peuple à intervenir dans les contentieux environnementaux en tant que tiers intervenant. Fernando Arlettaz, op. cit., p. 108.

[37] Defensor del pueblo de la Nacion, 30 juin 2017, res. 00047/17.

[38] Office qu’il assume scrupuleusement comme le souligne le professeur Germán Alfonso López Daza, « Constitution et environnement — Colombie », AIJC, 35-19, 2020, p. 233.

[39] Que l’on peut traduire par l’expression de « terre mère » ou de « terre nourricière ».

[40] Un projet de loi relatif à l’établissement de cette autorité a été déposé devant la chambre des députés en 2020, mais demeure pour l’heure en attente de discussion.

[41] Alexis Le Quinio, op. cit., p. 271.

[42] Franck Poupeau, « La Bolivie entre Pachamama et modèle extractiviste », Écologie & politique, n° 46, 2013/1, p. 109-119.

[43] L’avant-projet actuellement en discussion ne comporte plus de telles dispositions.

[44] Luis Javier Moreno Ortiz, « El sistema de control constitucional en Colombia », Civilizar, 2010/19, p. 75-92.

[45] Juan Carlos Henao Pérez, « La Cour constitutionnelle colombienne, son système de contrôle de constitutionnalité et les évolutions jurisprudentielles récentes », Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, n° 34, 2012, p. 206-207.

[46] Décision du 6 février 2019, C-045/19 pour la chasse et décision du 27 avril 2022, C-148/22 pour la pêche. Le raisonnement suivi repose sur le constat que la Constitution consacre un mandat constitutionnel prohibant la maltraitance animale et que dans ces conditions, on ne peut admettre la chasse ou la pêche qu’en application de certains droits constitutionnels tels que le droit à l’alimentation ou la liberté religieuse.

[47] Cour constitutionnelle équatorienne, 21 juillet 2015, n° 020-15-SIN-CC.

[48] Cour constitutionnelle équatorienne, 23 mai 2016, n° 034-10-SIN-CC.

[49] Cour constitutionnelle de l’Équateur, 9 juin 2021, n° 32-17-IN/21.

[50] Cour constitutionnelle équatorienne, 8 septembre 2021, n° 22-18-IN/21.

[51] V. George Pring, Catherine Pring, Cours et tribunaux de l’environnement, PNUE, [en ligne], 2017, 115 p.

[52] Carolina Cerda Guzman, « Chili et Costa Rica. De l’inhibition à la créativité en matière de droit constitutionnel environnemental : regards croisés entre le Chili et le Costa Rica », AIJC, 35-19, 2020, p. 198-199.

[53] Nous en présenterons ici les caractéristiques essentielles, mais pour une analyse plus poussée, v. Pilar Moraga Santiago, « Le dommage écologique face au juge environnemental au Chili », RJE, vol. 45, 2020/3, p. 455-464.

[54] 3e Tribunal de l’Environnement, 4 janvier 2018, sentencia R42-2016.

[55] La professeure Moraga Sariego souligne sur ce point que les tribunaux vont plus loin que la loi en ce qui concerne l’application de cette présomption : Pilar Moraga Sariego, op. cit., p. 459-460.

[56] Verónica Delgado, « Reparación del daño ambiental causado a las aguas subterráneas en los Tribunales de Chile », Revista de Derecho Privado, n° 38, 2020, p. 284.

[57] Dimension résultant de la décision du 2e Tribunal de l’Environnement, 20 mars 2015, sentencia D-2-2013.

[58] 2e Tribunal de l’Environnement, 7 juillet 2017, affaire D- 17-2015.

[59] Mathilde Hautereau-Boutonnet, « L’évolution des formes de préjudice : le cas du préjudice écologique », Cahiers Portalis, n° 9, 2022/1, p. 20.

[60] « Acuerdo regional sobre el acceso a la información, la participación pública y el acceso a la justicia en asuntos ambientales en América latina y el Caribe », Escazú, 2018, article 1.

[61] Carolina Cerda Guzman, op. cit., p. 209.

[62] Gonzalo Aguilar Cavallo, « Las deficiencias de la fórmula “derecho a vivir en un medio ambiente libre de contaminación” en la Constitución chilena y algunas propuestas para su revisión », Estudios constitucionales, n°2, 2016, p. 370.

[63] Cour suprême du Chili, 18 juillet 1996, sentencia n° 2732-1996.

[64] Nicole Mansuy, Victoria Belemmi, Constanza Gumucio, Gabriela Burdiles, Sofía Rivera, « Hacia una constitucion ecologica : acceso a la justicia ambiental », Revista de derecho ambiental de la ONG FIMA, n° 14, 2022, p. 246-247.

[65] Cour suprême du Chili, 28 mai 2019, sentencia n° 5888-2019, §7-8 : à noter dans cette affaire que les actions individuelles présentées sont en revanche admises.

[66] Cour suprême du Chili, 23 juin 2021, sentencia n° 129344-2020, § 4.

[67] En l’absence d’une Cour constitutionnelle, la procédure relève exclusivement des juridictions judiciaires.

[68] Juan Silva Meza, « La Cour suprême de justice de la Nation du Mexique. La révolution mexicaine des droits de l’homme », Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, n° 39, 2013/2, p. 322.

[69] Marisol Anglés Hernandez, Montserrat Rovalo Otero, Mariana Tejado Gallegos, Manual de derecho Ambiental mexicano, Instituto de Investigaciones juridica, 2021, p. 39.

[70] De fait, la Cour a déduit dans cette affaire différents aspects du droit à un environnement sain, notamment les principes de précaution, de participation et de non-régression.

[71] Cour suprême du Mexique, 14 novembre 2018, sentencia 307/2016, note Hilda Margarita Gómez Gómez, « Derecho a un Ambiente Sano. El caso del Manglar de la Laguna del Carpintero », Revista IUS, vol. 16, n° 49, 2022, p. 65-107.

[72] Ibid, p. 77.

[73] Cour constitutionnelle colombienne, 24 février 1993, sentencia SU-067/93.

[74] Valérie Bernaud, Felipe Calderon-Valencia, op. cit., p. 330-331.

[75] Laurence Gay, Marthe Fatin-Rouge Stefanini, « Les recours en protection des droits fondamentaux en droit comparé. Quelle justiciabilité du droit à l’environnement ? », in Mathilde Hautereau-Boutonnet, Eve Truilhé (dir.), Le procès environnemental, Dalloz, 2021, p. 69-93.

[76] Ibid.

[77] Cour constitutionnelle colombienne, 10 novembre 2016, sentencia T-622/16, note Sandrine Revet, « Le fleuve et ses gardiens », Terrain [en ligne], 2022, 26 p.

[78] Juge administratif du deuxième district, 17 novembre 2020, Amparo n° 104/2020, p. 172-173.

[79] Juge administratif du premier district, 26 mars 2021, Amparo n° 135/2021.

[80] Juge administratif (formation collégiale) du premier circuit, 21 septembre 2021, RA INC 81/2021.

[81] Prévue par l’article L. 142-1 du code de l’environnement, c’est sur la base de cette disposition que fut introduite « l’Affaire du Siècle ».

[82] L’action est régie par l’article L. 142-3-1 du code de l’environnement et doit être introduite par le biais d’associations agréées.

[83] Carolina Cerda Guzman, op. cit., p. 211; Chambre constitutionnelle de la Cour suprême du Costa Rica, 30 juillet 1993, n° 3705-1993.

[84] Chambre constitutionnelle de la Cour suprême du Costa Rica, 16 mars 2018, n° 4298-2018.

[85] V. Ricardo Schembri Carrasquilla, Angela Schembri Peña, « Protección de los pueblos indígenas en situación de aislamiento voluntario », Derecho y realidad, vol. 19, n° 38, 2021, p. 131-147.

[86] V. Jean Lefebvre, « La protection des générations futures : entre intérêt général, responsabilité et Fraternité », Revue des droits de l’homme [en ligne], n° 22, 2022.

[87] Ley n° 450 de protección a naciones y pueblos indígena originarios en situación de alta vulnerabilidad.

[88] Tribunal constitutionnel péruvien, 11 novembre 2009, req. 06316-2008 — PA/TC.

[89] Cour supérieure de justice de Loreto, 26 décembre 2019, sentencia 33-2019-1° JCM-CSJLO-JAVT.

[90] De tels recours ont pu être introduits ces dernières années en Inde (l’affaire Ridhima Pandey), aux États-Unis (l’affaire Juliana et autres) et en Australie (l’affaire Sharma). Pour les deux premières v. Christel Cournil, Les grandes affaires climatiques, Confluence des droits [en ligne], 2020, p. 129-140 et p. 263-279. Pour la troisième v. Zérah Brémond, « Préjudice climatique et devoir de protection des populations vulnérables – regards sur l’actualité australienne », RJPENC, 2023/41, p. 193-205.

[91] Cour suprême colombienne, 5 avril 2018, Andrea Lozano Barragàn et al., STC 04360-2018, note Franck Lafaille, « Le juge, l’humain et l’Amazonie. Le constitutionnalisme écocentrique de la Cour Suprême de Colombie (5 avril 2018) », RJE, vol. 43, 2018/3, p. 549-563.

[92] Ibid, p. 555.

[93] Cour suprême argentine, 11 août 2020, Equistica Defensa de Medio Ambiente Aso. Civ. c/ Santa Fe, Provincia de y otros, CSJ 468/2020.

[94] Cour suprême argentine, 28 décembre 2021, Asociación Civil por la Justicia Ambiental y otros c/ Entre Ríos, Provincia de y otros, CSJ 542/2020, §27.

[95] Marie-Angèle Hermitte, « La nature, sujet de droit ? », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 66, 2011/1, p. 173-212. Cité par Aline Treillard, L’appréhension juridique de la nature ordinaire, Université de Limoges, soutenue le 8 novembre 2019, p. 63.

[96] Hubert Alcaraz, « Constitution et Environnement : Équateur », AIJC, n° 35-19, 2020, p. 259-261.

[97] Cour constitutionnelle équatorienne, 10 novembre 2021, 1149-19-JP/20, Los Cedros, note Eléonora Bottini, Titre VII, n° 8, 2022/1, p. 151-159.

[98] Cour constitutionnelle équatorienne, 15 décembre 2021, sentencia 1185-20-JP21, Rio Aquepi.

[99] Cour constitutionnelle équatorienne, 19 janvier 2022, sentencia 2167-21-EP, Rio Monjas.

[100] Rabah Belaïdi, « Entre théories et pratiques : la nature, sujet de droit dans la constitution équatorienne, considérations critiques sur une vieille antienne », Revue québécoise de droit international, Hors-série (Septembre 2018), 2018, p. 93-124.

[101] Cour constitutionnelle équatorienne, 27 janvier 2022, sentencia 253-20-JH22, Mona Estrellita.

[102] Franck Lafaille, « Constitution éco-centrique et État social de droit. À propos du constitutionnalisme andin », RFDC, n° 118, 2019/2, p. 340.

[103] Cour suprême colombienne, 26 juillet 2017, AHC 4806-2017.

[104] Cour constitutionnelle colombienne, 23 janvier 2020, SU-016/20.

[105] Aline Treillard, op. cit., p.272-276.

[106] Laurence Gay, Marthe Fatin-Rouge Stefanini, op. cit.

[107] Nous renverrons ainsi à l’analyse que nous avons pu en faire sur le Verfassungsblog.

Par Mathilde KAMAL-GIRARD

Maîtresse de conférences de droit public à l’Université de Guyane
Membre du laboratoire MINEA (UR 7485

 

Résumé 

À l’occasion des dix ans de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, cet article met en perspective ce tournant législatif majeur en droit des personnes et de la famille, en proposant une comparaison des expériences latino-américaines et caribéennes en la matière. Dans cette zone géographique, des États nous ont précédés dans l’ouverture de l’union conjugale aux couples homosexuels, avec des modalités parfois audacieuses, qui se révèlent parfois dès le choix des mots : parler de mariage « homoaffectif », comme au Brésil, marque une volonté politique qui va au-delà d’un changement de régime juridique applicable, et dénote une volonté de changer la perception de la société en son entier sur les questions relatives à l’orientation sexuelle. D’autres États ont poursuivi dans cette voie, le dernier en date étant Cuba, en 2022. En ouvrant le champ d’études à l’aire latino-caribéenne, il s’agit autant d’apprendre sur les droits fondamentaux dans cette partie du monde, que de renouveler la réflexion sur la conception de l’institution conjugale en France.

——

Nous fêtons cette année, en France, les dix ans de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe[1]. Cette réforme, qui a été le fruit d’une volonté politique tenace, tenant bon face aux vents et marées de la « Manif pour tous »[2], dont les courants avaient secoué jusqu’aux milieux universitaires[3], a redéfini l’institution maritale, l’article 143 du code civil français disposant désormais que « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».

Pour justifier le bien-fondé de la réforme, l’étude d’impact qui accompagnait le projet de loi mettait en avant des éléments de droit comparé. Ceux-ci concernaient essentiellement le territoire européen[4], mentionnant brièvement l’Amérique du Nord, Canada et États-Unis[5]. De l’Amérique latine, rien n’était dit. Et pourtant : au moment où l’étude d’impact était rendue, deux États avaient ouvert la possibilité de se marier aux couples de personnes de même sexe, l’Argentine (2010) et le Brésil (2011). Alors que l’analyse englobe des territoires de l’Amérique anglo-saxonne, pour souligner une évolution limitée de la législation (la reconnaissance du partenariat civil) ou restreinte à des États fédérés (par opposition à l’État fédéral[6]), elle omet le sud du continent, où certains États ont une législation plus progressiste (avec la consécration du mariage, justement) et ce, à l’échelon fédéral.

Relevant que l’Espagne, en 2005, et le Portugal, en 2010, « ont légalisé le mariage entre personnes de même sexe »[7], il était tout aussi possible de constater que Buenos Aires[8] avait procédé également la même année que Lisbonne, et que Brasilia[9] avait suivi la même voie un an plus tard. Il est vrai que la légalisation des « mariages homoaffectifs »[10], pour reprendre la terminologie brésilienne, n’est pas nécessairement l’œuvre du législateur, mais celle du juge – les très actives[11] cours suprêmes fédérales[12]. On retrouve cependant le même angle mort – de la taille, tout de même, d’un sous-continent – dans le dossier documentaire annexe du Conseil constitutionnel[13]. Avec, dans le cas du Conseil constitutionnel, un début d’explication – non transposable à l’étude d’impact législative – puisque les éléments versés sont des décisions en langue française[14] ou traduite en français, et traduite par l’institution dont elle émane, la Cour constitutionnelle espagnole[15]. La décision portugaise est simplement mentionnée, sans être reproduite ni dans sa version originale[16], ni dans sa version non-officielle en anglais[17] ainsi qu’elle apparaît sur le site web de la Cour constitutionnelle portugaise, ni traduite en langue française. Pour le Conseil constitutionnel, la faiblesse des éléments comparatistes provient d’une question d’accessibilité des données et notamment de traduction[18].

Dès ce moment, pourtant, il y avait lieu d’apprendre des expériences latino-américaines, démarche trop souvent occultée dans les études de droit comparé menées en France[19], quoique leur intérêt tende, dans une période récente, à se révéler de manière plus large[20], ce dont témoigne l’instauration d’une chronique annuelle de droit constitutionnel latino-américain publiée dans la Revue française de droit constitutionnel[21]. Et il y a encore à dire à propos de l’équivalent de notre « mariage aux couples de personnes de même sexe » et de son évolution en Amérique latine et dans les Caraïbes. En même temps que nous modifiions notre code civil, l’Uruguay procédait également pour introduire le matrimonio igualitario[22]. Depuis, le Mexique (2015), la Colombie (2016), l’Équateur (2019), le Costa Rica (2020), le Chili (2021) et Cuba (2022) ont franchi le pas de la reconnaissance du mariage pour tou.te.s. Du champ sémantique utilisé pour désigner l’union (I), jusqu’aux modalités de son adoption (III) en passant par le régime juridique applicable (II), le mariage des gays et lesbiennes en Amérique latine et dans les Caraïbes prend des formes plurielles, qui nous renseignent sur cet autre autant que sur nous-mêmes, faisant de cette zone géographique « un terrain de rêve pour le comparatiste »[23].

I. Les mots

 

Le champ sémantique de ce que nous considérons en France sous l’expression « mariage aux couples de personnes de même sexe » est très varié en Amérique latine et dans les Caraïbes, alors même que la plupart des États qui ont opté pour la légalisation de l’union conjugale pour les gays et les lesbiennes sont de la langue espagnole – la seule exception étant ici le Brésil. À cette diversité quant à la désignation (A), s’ajoute celle des définitions (B).

 

   A. La désignation

 

En Argentine et en Uruguay le texte sur le matrimonio civil – que nous pouvons traduire par « mariage civil » – a été modifié par la loi de matrimonio igualitario[24] ; au Mexique, l’accent sera plutôt mis sur l’absence de discrimination[25] que doit revêtir l’institution maritale ; au Chili, ce fut par la loi para regular, en igualdad de condiciones entre personas del mismo sexo[26] ; à Cuba, par l’adoption d’un nouveau Código de las familias[27], lequel dédie très sobrement un chapitre au matrimonio. Là où le changement s’est opéré grâce à l’interprétation constitutionnelle de la juridiction suprême de l’État, la Cour concernée a pu mettre en avant pour déclarer inconstitutionnel le mariage comme institution seulement ouverte aux couples formés par un homme et une femme, l’união homoafetiva[28] (Brésil) ; le matrimonio entre parejas del mismo sexo[29] (Colombie) ou le matrimonio entre personas del mismo sexo[30] (Costa Rica) ; le matrimonio igualitario[31] (Équateur).

Ces approches peuvent être rangées dans quatre catégories. La première est la plus volontariste : défendant le terme homoafetividade qui souligne le lien, marqué par l’affection, les émotions, sentiments et désirs entre les personnes du même sexe[32], la Cour suprême fédérale du Brésil adopte une conception performative[33] du droit comme vecteur de changement de la société : dire l’amour entre personnes du même sexe, c’est rendre celui-ci possible, et permettre que les unions se réalisent effectivement, au-delà de la simple consécration de la norme juridique. À l’opposé, se trouve la perspective dans laquelle s’inscrit Cuba : aucun changement dans la désignation du mariage. La loi désigne par le même mot ce qui a changé de nature. À la Havane, la normalisation passe par l’occultation.

Entre ces deux extrêmes, deux positions différentes : d’un côté, on trouve la volonté de marquer le changement, en désignant l’ouverture du mariage aux personnes et aux couples de même sexe, en montrant ce qui est fait, mais sans souligner ce que cela implique (Colombie, Costa Rica) – le législateur a procédé de même en France ; d’un autre côté, on montre la signification de cette ouverture, en inscrivant la réforme dans une conquête des droits, au travers des notions de mariage égalitaire[34] ou de mariage sans discrimination (Argentine, Chili, Équateur, Uruguay).

Au-delà de l’affichage, et du caractère plus ou moins militant des approches, se pose la question de la définition de ce qu’est le mariage même. Mariage homoaffectif, mariage égalitaire, mariage sans discrimination, mariage « tout simplement », y-a-t-il de véritables différences ?

 

   B. La définition

 

La comparaison des définitions du mariage, après les différentes réformes qui ont eu lieu en Amérique latine et dans les Caraïbes, nous montre que deux grandes options ont été suivies. La première consiste à définir l’institution conjugale en soulignant l’absence de différence lorsque les époux sont de même sexe ou de sexe opposé (Argentine, Uruguay, Brésil, Mexique, Équateur, Colombie, Costa Rica). La référence au couple du même sexe permet alors de mettre fin à l’interprétation de l’union maritale comme ne pouvant être que celle d’un homme et d’une femme. La mention a pour but l’inclusion. En Argentine, par exemple, la rédaction retenue par le législateur pour le nouvel article 172 du code civil est que « le mariage a les mêmes fondements et les mêmes effets, indépendamment de ce que les époux soit du même sexe ou de sexe différent »[35]. Une définition proche a été adoptée par l’Assemblée Générale – l’équivalent du « Congrès » français – de la République Orientale d’Uruguay, le mariage civil y étant désormais défini comme « l’union permanente, conformément à la loi, de deux personnes de sexe différent ou identique »[36].

Certaines définitions, surtout lorsqu’elles émanent des juges constitutionnels, appuient sur ce refus de la discrimination. Le style, il est vrai, diffère de celui qui peut être adopté par le législateur, autorisant de plus amples développements, car là où la loi se caractérise par la brièveté, une rédaction concise qui n’est pas sans rappeler l’influence de la tradition romano-germanique, la décision de justice se distingue par la substantialité de la motivation, dont on peut trouver la source dans les systèmes de Common Law[37]. La Cour suprême du Brésil rappelle ainsi que « le préjugé fondé sur le mode sexuel d’être des personnes est interdit »[38]. De manière tout aussi explicite, la Cour suprême fédérale du Mexique affirme que « prétendre lier les conditions du mariage aux préférences sexuelles de qui prétend accéder à l’institution matrimoniale avec la procréation est discriminatoire, car cela exclut de l’accès au mariage de manière injustifiée les couples homosexuels qui se trouvent dans des situations similaires aux couples hétérosexuels »[39]. Les juges colombiens[40], équatoriens et costaricains s’inscrivent dans la même perspective[41].

L’autre option consiste, à l’inverse, à ne plus faire mention du sexe des époux (Chili, Cuba) : on ne mentionne pas les couples de même sexe, en même temps que l’on ne mentionne plus que le mariage est nécessairement l’union d’un homme et d’une femme. Ainsi, la réforme législative chilienne modifie l’article 31 du code civil, en substituant à l’expression « mari ou femme » celle d’« époux »[42]. Le prisme est le même à Cuba où le mariage se définit désormais comme l’« union volontairement consentie de deux personnes »[43], et non plus entre un homme et une femme. Chemin faisant, on pourra remarquer qu’il n’y a pas de correspondance entre une catégorie de dénomination du mariage pour tous et une définition donnée. Le Chili mettait en avant la promotion de l’égalité, Cuba ne disait rien et pourtant, les deux se retrouvent dans leur définition du mariage.

Si, quelle que soit la voie choisie, le lien entre mariage et reproduction sexuée est défait, il n’en va pas de même du lien entre mariage et famille. Pour reprendre les mots de la Cour suprême brésilienne, l’union matrimoniale « est constitutive de cette entité qui mérite tant la protection spéciale de l’État, celle que nous appelons famille »[44]. Cette conception a, bien sûr une répercussion sur le régime même du mariage.

Mais, avant d’étudier le régime du mariage homosexuel en Amérique latine et dans la Caraïbe, il faut comprendre la manière dont celui-ci a été introduit dans le système juridique des différents États qui l’ont consacré.

 

II. La procédure

 

Le plus fascinant dans l’étude comparative sur le mariage des personnes de même sexe en Amérique latine et dans les Caraïbes, tient autant au choix des mots qu’aux procédures qui ont conduit au changement sociétal profond qu’institue la reconnaissance de ce droit aux gays et lesbiennes des États concernés. Dans Radicaliser la démocratie[45], Dominique Rousseau s’appuyait sur l’exemple du mariage pour tous pour questionner la notion de démocratie, en mettant en lumière que le référendum n’était nécessairement pas le mécanisme le plus à même de parvenir à l’égalité des droits. Il montrait qu’entre 2010 et 2013, trois pays avaient légiféré sur cette question par trois biais différents : la Slovénie a rejeté le mariage homosexuel par la voie de la démocratie directe, la France l’a intégré par la voie de la démocratie représentative, le Brésil l’a consacré par le moyen de la démocratie constitutionnelle. Depuis le Mexique jusqu’en Argentine, se confirment les places prépondérantes de l’action parlementaire (A) et de l’activisme judiciaire (B) en la matière.

 

   A. Le rôle du Parlement

 

D’une manière générale, le Parlement s’est vu confier un rôle cardinal pour porter la réforme du mariage pour tous en Amérique latine et dans les Caraïbes. L’Argentine, l’Uruguay, le Chili se sont appuyés sur leur Parlement pour faire passer la réforme ; à Cuba, le nouveau code des familles a d’abord été adopté par le Parlement avant d’être soumis au référendum. La place laissée au Parlement appelle ici deux séries de remarques, l’une sur la séparation des pouvoirs, l’autre sur les rapports entre système représentatif et démocratie directe.

L’Argentine et le Chili sont des États présidentiels : en ce sens, il n’existe pas de moyens de pression réciproques entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, caractéristique d’une séparation souple des pouvoirs, associée au régime parlementaire[46]. En France, il est commun, lorsqu’est enseigné le droit constitutionnel[47] et que sont étudiées les formes de gouvernement, d’expliquer le régime présidentiel en prenant l’exemple des États-Unis d’Amérique[48]. Parmi les caractéristiques qui sont alors mentionnées, figure la règle selon laquelle le Président des États-Unis ne dispose pas d’une initiative législative. On pourrait en conclure qu’il s’agit là d’un invariant ; le comparatisme nous montre l’inverse. En Argentine, les députés et les sénateurs, de même que le Président de la Nation, peuvent déposer une proposition ou un projet de loi devant l’une ou l’autre des chambres (article 77 de la Constitution) ; au Chili, les lois émanent soit d’une motion d’un membre de la chambre des députés ou d’un membre du Sénat, soit d’un message adressé par le Président de la République (article 65 de la Constitution). L’Uruguay est quant à lui un régime parlementaire. De manière classique, l’initiative législative y revient aux membres de l’une ou l’autre des chambres du Parlement ou des ministres (article 133 de la Constitution).

Ce détour par des considérations générales de droit constitutionnel permet de comprendre que, dans chacun de ces États, la loi relative au mariage homosexuel aurait pu émaner indifféremment du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif. Les trois États constituent trois cas de figure différents. En Argentine, malgré un positionnement favorable du pouvoir exécutif au mariage des personnes de même sexe, celui-ci est resté inerte du point de vue juridique : ce sont deux députées, Silvia Augsburger et Vilma Ibarra, qui déposent des propositions de loi visant à modifier l’article 172 du code civil. En Uruguay, c’est l’inverse : le pouvoir exécutif est venu à la rescousse du pouvoir législatif. Originellement, le projet était porté par un député de la majorité, Sebastián Sabini. La proposition était confrontée à l’opposition politique et s’inscrivait dans un contexte juridique particulier. Durant la même période, une action en justice était menée par un couple gay, uruguayen et espagnol, pour faire reconnaître leur union – alors même que la loi uruguayenne ne le permettait pas encore – qui aurait pu conduire à une reconnaissance par le juge. Cependant, la place du juge constitutionnel en Uruguay n’est pas aussi forte que dans d’autres États d’Amérique du Sud, la consécration par voie judiciaire du mariage des personnes de même sexe aurait pu paraître illégitime. Cette configuration a décidé le Ministre de l’Éducation et de la Culture de l’époque, Ricardo Ehrlich, à porter lui-même le projet. Au Chili, c’est le Président Sebastián Piñera qui s’est emparé du sujet, quoiqu’à la fin de son mandat, marquant une volonté politique plus ancienne, émanant de Michelle Bachelet lorsqu’elle occupait la fonction présidentielle. Ces trois cas nous informent sur le caractère déterminant de la volonté des représentants au sein du pouvoir législatif : le Parlement est loin d’être une chambre d’enregistrement qui suivrait la volonté du pouvoir exécutif ; les députés ont eu une influence décisive quant au déclenchement du processus.

Quant à Cuba, et bien qu’il y ait eu approbation par référendum, il ne faudrait pas négliger l’importance de la représentation. Car c’est bien l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire, et derrière elle, le Conseil de l’État, qui a élaboré le nouveau code des familles ; le peuple n’est intervenu directement qu’au moment de l’approbation. Il n’a pas eu l’initiative de la réforme ; il n’a pas disposé du pouvoir d’en délibérer. Il revenait d’ailleurs à l’Assemblée Nationale du Pouvoir de décider si elle souhaite soumettre le texte qu’elle a adopté à la consultation populaire (article 108 c) de la Constitution). En toutes hypothèses, elle est seule maîtresse de la place qu’elle souhaite laisser à l’expression directe du peuple.

Le pouvoir législatif peut donc prendre un rôle très actif – ce qui s’est passé dans une partie de l’Amérique latine et des Caraïbes pour le mariage des couples homoaffectifs. Parfois, il reste passif, ne prenant pas la mesure du changement social s’opérant, ou décidant de l’omettre. C’est alors qu’apparaît la figure du juge constitutionnel.

 

   B. Le rôle du juge constitutionnel

 

Pour qui s’inscrit originellement dans un cadre académique français, l’activisme judiciaire, particulièrement présent en Amérique latine, demeure indéniablement un objet de curiosité. Le contrôle de constitutionnalité de la loi, qu’il soit effectué par une Cour constitutionnelle ou par une Cour suprême, éventuellement au sein d’une chambre spécialement dévolue à l’examen de conformité de la loi à la Constitution, est l’autre voie par laquelle s’est imposé le mariage pour tous dans l’aire latino-caribéenne. La Cour suprême fédérale du Brésil n’est pas l’unique juge à avoir contribué à ce changement, quoique le fait qu’elle fut la première et qu’elle ait agi avec un sens aiguisé de la formule la rende particulièrement mémorable et tende parfois à éclipser d’autres formes d’intervention de ses homologues les plus proches : les Cours constitutionnelles de la Colombie, de l’Équateur et du Costa Rica et la Cour suprême du Mexique. Trois points méritent d’être soulignés : l’un a trait à la forme de l’État, unitaire ou fédéral, et donc au rôle dévolu à la Cour, dans l’articulation entre l’État fédéral et les entités fédérées particulièrement ; le deuxième porte sur les relations institutionnelles entre la Cour et le législateur et sur les interactions entre ce qui relève du système représentatif et ce qui relève de l’État de droit ; le troisième a trait aux rapports de systèmes, constitutionnel et supranational.

Une Cour suprême et une Cour constitutionnelle sont deux entités différentes. La première est une « juridiction placée au sommet d’un ordre juridictionnel qui, selon les États, peut juger au fond des litiges ou bien ne connaître que des questions de droit à travers le recours en cassation, voire trancher en dernier ressort des conflits constitutionnels »[49] ; la seconde est une « juridiction spécialisée dans le contentieux constitutionnel qui, à la différence d’une Cour suprême, ne se situe pas au sommet d’un ordre juridictionnel et n’a aucun lien organique avec les tribunaux ordinaires »[50]. Très souvent, on trouve une Cour suprême dans les États fédéraux (Brésil, Mexique) et une Cour constitutionnelle dans les États unitaires (Colombie, Équateur). Il n’y a pas de lien nécessaire entre ces deux éléments : au Costa Rica, l’État est unitaire, mais la plus haute juridiction est une Cour suprême, laquelle dispose, en son sein d’une chambre constitutionnelle (article 10 et article 152 et suivants de la Constitution). Cela dit, la Cour suprême a un rôle tout particulier dans un système fédéral, car son interprétation normative impose une unification de la jurisprudence et de la législation, notamment dans des domaines où les entités fédérées disposent d’une compétence, comme cela est très souvent le cas en droit civil, branche du droit dont relève le mariage. Au sein des deux États fédéraux que sont le Brésil et le Mexique, la dynamique à l’œuvre entre l’Union et les États fédérés n’a pas été la même. Au Brésil, c’est la Cour suprême du Brésil qui a déclenché le mouvement de reconnaissance du mariage homoaffectif. À la suite de la décision, les différents États fédérés ont progressivement autorisé les couples homosexuels à se marier. À l’inverse, au Mexique, le mouvement a été insufflé par une entité fédérative, la Ville de Mexico en 2009[51] – élément déclencheur à l’échelle des États-Unis du Mexique, mais également de l’Amérique latine toute entière. Cette loi est alors déférée devant la Cour suprême de justice de la Nation, qui la déclare constitutionnelle[52], laissant le champ libre aux autres entités fédérées du pays pour procéder elles aussi à la consécration du mariage entre époux du même sexe. Face à un positionnement que l’on pourrait qualifier de réfractaire de la part des juges inférieurs, la Cour suprême mexicaine a dû réaffirmer sa position en enjoignant aux juridictions d’accueillir favorablement les demandes de mariage des couples homosexuels[53].

Le cas de la Colombie illustre un autre aspect de l’intervention du juge constitutionnel. Tout commence par une action en inconstitutionnalité contre l’article 113 du code civil définissant le mariage comme « un contrat solennel par lequel un homme et une femme s’unissent en vue de vivre ensemble, de procréer et de s’apporter une aide mutuelle »[54]. La référence à l’homme et à la femme, d’une part, ainsi qu’à la procréation, d’autre part, sont estimés inconstitutionnels par les requérants, en ce qu’elle constitue une discrimination envers les couples et les personnes homosexuels. La Cour se range à cette interprétation et enjoint au Congrès de légiférer, de manière systématique et organisée, sur les droits des couples de même sexe afin d’éliminer le défaut de protection qui, selon les termes de sa décision, affecte les couples concernés[55]. La Cour de Bogota fixe une date au législateur : le 20 juin 2013. S’il n’a pas agi à cette date, les couples du même sexe pourront se rendre devant le notaire ou le juge compétent pour formaliser et authentifier leur lien contractuel. Le Congrès omet d’intervenir ; les juges et les notaires refusent d’enregistrer les mariages. Une nouvelle action est introduite devant la Cour constitutionnelle par un couple gay s’étant vu refuser le mariage postérieurement au 20 juin 2013, dite « action de tutelle ». À l’occasion de cette décision, le juge reprend la main, puisque le dispositif de la décision prévoit, d’une part, l’autorisation du mariage pour le couple qui a introduit l’action, mais surtout l’extension des effets de la décision à tous les couples qui, postérieurement au 20 juin 2013, ont vu leurs droits être déniés par les notaires et les juges devant lesquels ils s’étaient présentés pour célébrer leur mariage[56]. L’important, ici, concerne la répartition des compétences entre le Congrès et la Cour constitutionnelle : ce n’est que parce que le législateur a volontairement été inerte, que le juge légifère ; le premier rôle revient à la représentation, mais si celle-ci ne joue pas sa partie, on ne peut pour autant annuler tout le spectacle et, quoique subsidiaire, l’intervention de la Cour est tout à fait capitale.

Dans ce dernier exemple, point la question de la légitimité du juge constitutionnel. Le problème peut se poser dans les rapports qu’entretient celui-ci avec des institutions étatiques – le Parlement – ou avec des institutions supra-étatiques dont, en particulier, la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme. La Cour suprême du Costa Rica[57] a sollicité l’opinion consultative de la Cour régionale afin d’avoir sa position concernant le mariage pour tous ; la Cour constitutionnelle de l’Équateur[58] en fait un motif essentiel de sa décision. Or, cette opinion consultative, s’apparente plutôt à une question préjudicielle, c’est-à-dire « une question qui oblige une juridiction à surseoir à statuer jusqu’à ce qu’elle ait été soumise à la juridiction compétente qui rendra à son sujet un acte de juridiction »[59]. L’opinion consultative n’a de consultatif que le nom : elle est d’effet direct immédiat devant les deux juridictions. Le droit international devient ainsi un instrument de légitimation de l’ordre constitutionnel interne. À cela s’ajoute que, par ce biais, se crée une culture juridique commune intégrée. En effet, l’opinion consultative OC-24/17 a été provoquée par la République du Costa Rica[60], et plus particulièrement par le Gouvernement costaricain. Dans un deuxième temps, la chambre constitutionnelle de la Cour suprême en a reconnu l’autorité. Enfin, lorsque la constitutionnalité du mariage pour tous vient à être examinée par la Cour constitutionnelle de Quito, celle-ci va démontrer que l’opinion consultative est applicable dans le système juridique équatorien pour elle-même s’en prévaloir dans les motifs de sa décision. La justification ne s’opère pas uniquement entre système national et supranational, mais également de façon transnationale, par une mise en réseau[61] multiniveau.

Que le mariage ait été consacré par le Parlement ou par le juge constitutionnel, dans un État unitaire ou dans un État fédéral, tout cela a des conséquences sur le régime juridique de l’union conjugale au sein des différents États latino-américains et caribéens.

 

III. Le régime

 

Concernant le régime du mariage pour tous, le comparatisme s’opère à un double niveau, car la situation des États unitaires et des États fédéraux doit être distinguée. L’État unitaire est « un État qui assume l’ensemble des compétences attachées à la souveraineté, de telle sorte que l’ordre politique et constitutionnel est unique : il n’y a qu’une citoyenneté, et les mêmes lois s’appliquent sur tout le territoire »[62], dont notamment les lois relatives au droit des personnes. Inversement, l’État fédéral est un « État composé »[63], où les États fédérés « sont autonomes dans l’exercice des compétences qui leur sont attribuées (ou abandonnées) par la constitution fédérale »[64]. Très souvent, parmi ces compétences, se trouve d’ailleurs la législation en matière civile. En conséquence, la consécration du mariage pour tou.te.s à l’échelon fédéral ne saurait emporter une uniformité (A), comme dans les États unitaires, mais une simple harmonisation (B).

 

   A. Uniformité dans les États unitaires

 

Parmi les États qui ont consacré le mariage des personnes de même sexe en Amérique latine et dans les Caraïbes, sont des États unitaires : le Chili, la Colombie, le Costa Rica, l’Équateur et l’Uruguay. Dans la plupart de ces États, la Constitution prévoit que la codification relève du domaine de la loi[65], particulièrement en matière civile[66]. Cela étant, la délimitation du régime applicable au mariage et ses effets, notamment en termes de filiation, a pu être déterminée au regard d’autres dispositions constitutionnelles. Ainsi, l’article 42 de la Constitution colombienne continue de faire référence à la famille comme étant constituée par un homme et une femme[67]. Une pluralité de normes constitutionnelles peut donc entrer en concurrence au moment de légiférer sur le mariage des couples de personnes de même sexe et sur les effets qui sont habituellement associés audit mariage en matière de filiation. Un dernier élément à prendre en considération pour comprendre la portée plus ou moins étendue du régime juridique relatif au mariage vient de l’autorité qui a procédé à la consécration : le Parlement ou le juge constitutionnel. Au premier, il revient d’adopter des dispositions précises, fixant les conditions et les conséquences ; au second, il appartient d’énoncer des principes fondamentaux, ce qu’il fera en fonction de sa légitimité, de manière plus ou moins étendue. Or, dans le panel des États unitaires, trois ont vu la consécration du mariage homoaffectif par l’intervention judiciaire.

Pour ce qui est des États pour lesquels le Parlement a légiféré sur le matrimonio igualitario[68] et sur le mariage en igualdad de condiciones entre personas del mismo sexo[69], respectivement l’Uruguay et le Chili, le choix a été fait de consacrer, en même temps que le mariage des personnes de même sexe, la filiation au sein de ces mêmes couples[70]. La loi chilienne prévoit même une directive d’interprétation, selon laquelle « les lois et les autres dispositions qui font référence aux expressions père et mère, ou bien, père ou mère, ou d’autres expressions similaires, sont applicables à tous les géniteurs, sans distinction de sexe, identité de genre ou orientation sexuelle, sauf si par le contexte ou par une disposition expresse on doit comprendre le contraire »[71]. L’interprétation se fait au profit de l’égalité et de l’inclusion, ce que l’on peut considérer comme une manifestation du principe pro homine, démarche qui « repose sur une vision sociale et non plus libérale des droits humains »[72] et « conduit […] à toujours envisager la situation réelle dans laquelle se trouve la personne et, partant, les discriminations dont elle peut effectivement faire l’objet »[73].

La consécration par le juge n’entraîne pas œuvre légistique. Son intervention se limite à la question de droit qui lui est posée. Le régime relatif au mariage et celui relatif à l’adoption, traités conjointement par le Parlement, sont ainsi dissociés. La consécration du mariage homosexuel en Équateur n’a pas entraîné celle d’un droit à l’adoption. La Constitution équatorienne organise la famille autour de la mère et du père (article 69 de la Constitution[74]), et l’interprétation littérale de l’article 69 de la Constitution a fait obstacle, jusqu’à présent, tant devant la Cour suprême que devant le Parlement, à la possibilité d’adopter pour les couples gays et lesbiens[75]. De manière originale, la Cour constitutionnelle colombienne, faisant une interprétation contraire à la lettre de l’article 42 de la Constitution de 1991, a reconnu que les familles homoparentales étaient des familles – au même titre que les familles hétéroparentales – et ce, dès 2011[76]. Cette interprétation dynamique et évolutive de la notion de famille a d’ailleurs conduit à ce que le droit à l’adoption par des couples homoparentaux ait été consacré avant le droit au mariage, par plusieurs décisions rendues entre 2012 et 2015[77]. Le cas costaricain représente un positionnement médian. En effet, aucune norme constitutionnelle ne disposait clairement que la famille dût se constituer autour d’un homme et d’une femme. Faisant sienne la maxime selon laquelle tout ce qui n’est pas défendu par la Loi – et, a fortiori, par la Constitution – ne peut être empêché, le juge a reconnu la légalité des adoptions homoparentales. La constitution d’une famille y étant considérée comme le prolongement du couple et de son union maritale[78], la reconnaissance de l’adoption s’est faite à la suite de celle du mariage. Dans l’ensemble de ces cas, l’évolution du droit s’est faite uniformément à l’échelle de l’État, ce qui n’est pas le cas dans les États fédéraux.

  

   B. Harmonisation dans les États fédéraux

 

Sont des États fédéraux l’Argentine, le Brésil et le Mexique. La répartition des compétences entre l’Union et les entités fédératives dépend des dispositions de la Constitution fédérale. Il faut donc étayer dès à présent notre présupposé de départ concernant les États fédéraux et le mariage homoaffectif. Si très souvent, la législation en matière civile est laissée à la compétence des États fédérés, ce n’est pas toujours le cas. La Constitution fédérale de l’Argentine laisse au Parlement de l’Union le soin d’« édicter les Codes civil, commercial, pénal, des mines, du travail et de la sécurité social, en corpus unifiés ou séparés »[79] (article 75 alinéa 12 de la Constitution). La place accordée à l’échelon local est minime, le même article spécifiant que « lesdits codes [ne] portent atteinte aux juridictions locales, au regard de leur application aux tribunaux fédéraux ou provinciaux, selon que les choses ou les personnes tombent sous leurs juridictions respectives ». En conséquence, les personnes de même sexe peuvent se marier selon les mêmes règles partout en Argentine ; de la même façon, ils disposent du droit de former une famille, l’adoption leur étant ouverte au même titre que pour des époux hétérosexuels[80].

Les situations sont différentes au Brésil et au Mexique où les Cours suprêmes fédérales ont affirmé le caractère discriminatoire d’une limitation du mariage aux seuls couples formés d’un homme et d’une femme. Le fait que la Cour suprême fédérale de Brasilia ait pris l’initiative d’affirmer la constitutionnalité du mariage homoaffectif, avant une autre institution ou juridiction brésilienne, a donné le « la », de telle sorte que c’est son interprétation qui prévaut sur l’ensemble du territoire : le mariage des personnes de même sexe y est autorisé et, celui-ci étant considéré comme la pierre angulaire de la famille, l’adoption est considérée comme étant une suite logique de l’union conjugale. Très clairement, la Cour suprême fédérale a affirmé que « si les unions homoaffectives sont déjà reconnues comme entité familiale […] il n’y a pas de raison pour limiter l’adoption, en créant des obstacles que la loi ne prévoit pas »[81]. Au Mexique, la consécration à l’échelle de l’État fédéral s’est étalée sur plus de dix ans. Bien que la Cour suprême de justice de la Nation ait validé la loi prise par la ville de Mexique, très peu d’entités fédérées ont saisi l’opportunité d’adopter une législation égalitaire de manière spontanée. Il a fallu que la Cour suprême fédérale impose aux juridictions de l’ensemble du pays de faire droit aux recours d’amparo, c’est-à-dire un recours juridictionnel direct de protection des droits fondamentaux, portés devant elles pour que soient progressivement légalisés les mariages des personnes de même sexe dans l’ensemble du pays – les dernières réticences n’ayant été vaincues qu’en 2022. Par conséquent, et durant toute cette période, le mariage n’était pas reconnu uniformément sur le territoire mexicain, de même que les effets qui en découlent dont, en premier lieu l’adoption.

 

 

Indéniablement, il y a eu une évolution profonde, à grande échelle, concernant la législation relative au mariage pour tous en Amérique latine et aux Caraïbes. De plus en plus de pays tendent à reconnaître aux couples homoaffectifs les mêmes droits qu’aux couples hétéroaffectifs. Cette progression des droits ne doit pas occulter deux éléments. D’une part, il existe toujours des États où le mariage des personnes de même sexe n’est pas reconnu. Et, parmi ces États, certains protègent au plus haut de la hiérarchie des normes une institution maritale strictement hétérosexuelle. Ainsi, l’article 112 de la Constitution du Honduras dispose que « le mariage et l’union de fait des personnes du même sexe sont interdits (al. 4). Les mariages et les unions de fait entre personnes du même sexe célébrés ou reconnus par les lois d’autres pays ne sont pas valides au Honduras (al. 5) ». D’autre part, la consécration du droit au mariage homosexuel ne signifie pas qu’il soit toujours évident, dans les faits, pour les personnes homosexuelles de se marier. Ainsi, « la présence d’un texte de loi ou d’une jurisprudence n’assure pas le développement d’une politique publique et/ou sa mise en œuvre effective »[82]. Luis Rivera-Vélez et Morgane Reina mettent en avant plusieurs causes possibles à cette absence d’effectivité : manque de ressources, manque de volonté des fonctionnaires « au guichet », refus de certains juges, incitations de la part des gouvernements à ne pas appliquer les politiques publiques, problèmes qui peuvent se poser au regard du mariage, mais qui peuvent également concerner d’autres droits et libertés fondamentaux[83].

Par-delà cet aspect, l’étude du mariage des personnes du même sexe en Amérique du Sud et aux Caraïbes témoigne de l’importance de comprendre le droit comme culture. Comme le soulignait Lawrence Rosen, le droit est partie intégrante de la culture, et la culture du droit[84]. Le droit est un moyen d’exprimer le sens que l’on donne aux choses. En la matière, la culture latino-américaine et caribéenne présente une typicité par rapport à la culture européenne, résultat de ce que « la reconnaissance des droits LGBTQIA+ n’a pas été une importation occidentale en Amérique latine, mais constitue le résultat d’une histoire ancienne de mobilisation […] dialoguant avec un contexte politique local de démocratisation et prise en considération croissante des droits humains »[85]. Pour autant, cette culture n’est pas monolithique : la forme de l’État, la légitimité du juge constitutionnel, l’équilibre entre les pouvoirs particularisent certains pays tout en en rapprochant d’autres, avec une richesse qui confirme que nous sommes bien là dans un terrain de rêve pour le comparatiste.

 

 

[1] Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, JORF n°0114 du 18 mai 2013, texte n° 3.

[2] La « Manif pour tous » se définit comme un mouvement dont la finalité est « le respect de l’intérêt supérieur et des besoins élémentaires de l’enfant, aujourd’hui menacés par les réformes sociétales » (La Manif pour tous, site web : [https://www.lamanifpourtous.fr/qui-sommes-nous/le-mouvement], 5 février 2023), dont en premier lieu la consécration du mariage de personnes de même sexe. Elle s’est constituée au moment de la discussion du texte de loi porté par Christiane Taubira, pour « défend[re] le mariage homme-femme, le couple homme-femme étant le seul susceptible de concevoir un enfant, celui-ci ayant profondément besoin de connaître ceux qui ont lui donné la vie et, dans la mesure du possible, d’être élevé par eux (art. 7 de la CIDE) » (Ibid.). Ses ambitions sont aujourd’hui plus larges, quoique moins médiatisées qu’elles ne le furent durant la période qui a précédé l’adoption de la loi sur le mariage des couples de personnes de même sexe.

[3] À ce sujet, v. notamment : Étienne Millard, Pierre Brunet, Véronique Champeil-Desplats, Stéphanie Hennette-Vauchez, « Mariage pour tous, les juristes peuvent-ils parler au nom du droit ? », D., 2013, p. 784-785 et Sacha Sydoryk, La doctrine constitutionnelle. Étude des discours de connaissance du droit constitutionnel contemporain français, Université Toulouse Capitole, thèse, Droit public, 2020, p. 352 et s. Nous renvoyons au recensement de l’ensemble des articles qui ont animé cette controverse juridique fait par M. Sydoryk dans sa thèse.

[4] Allemagne, Belgique, Canada, Espagne, Estonie, États-Unis, Norvège, Finlande, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, et Slovénie.

[5] Assemblée nationale, Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. Étude d’impact, novembre 2012, en ligne [https://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl0344-ei.asp#P282_41119], 5 février 2023.

[6] Depuis 2012, date à laquelle a été réalisée l’étude d’impact, la Cour suprême fédérale des États-Unis a consacré l’union homosexuelle à l’échelle fédérale (Cour suprême des États-Unis d’Amérique, James Obergefell et al., Petitioners, v. Richard Hodges, Director, Ohio Department of Health, et al., 26 juin 2015, 576 U.S.).

[7] Ibid.

[8] Argentine, Loi n° 26.618 de Matrimonio Igualitario, 21 juillet 2010.

[9] La consécration du mariage homoaffectif a été réalisée dans la décision suivante : Cour suprême fédérale du Brésil, Ação direta de inconstitucionalidade n° 4277, Distrito Federal, 5 mai 2011.

[10] Le choix du terme « homoaffectif » plutôt que « homosexuel » est issu d’une réflexion de la magistrate brésilienne Maria Berenice Dias, première femme à avoir intégré la magistrature de l’État du Rio Grande do Sul, juge d’appel au Tribunal de Justice de cet État, et spécialiste du droit de la famille, connue pour avoir écrit notamment União Homossexual, o Preconceito e a Justiça (Maria Berenice Dias, União Homossexual, o Preconceito e a Justiça, Livraria do Advogado Editora, 1re ed. 2000). Elle est citée par le juge de la Cour suprême fédérale du Brésil Carlos Ayres Britto dans la décision du 5 mai 2011 (Cour suprême fédérale du Brésil, ação direta de inconstitucionalidade n° 4277, Distrito Federal, 5 mai 2011, préc.) : « Há palavras que carregam o estigma do preconceito. Assim, o afeto a pessoa do mesmo sexo chamava-se ‘homossexualismo’. Reconhecida a inconveniência do sufixo ‘ismo’, que está ligado a doença, passou-se a falar em ‘homossexualidade’, que sinaliza um determinado jeito de ser. Tal mudança, no entanto, não foi suficiente para pôr fim ao repúdio social ao amor entre iguais. (Homoafetividade: um novo substantivo) ». Ce que nous traduisons ainsi : « Il y a des mots qui véhiculent le stigmate du préjugé. Ainsi, les sentiments d’une personne du même sexe sont désignés comme comportement homosexuel. Une fois reconnue la malséance de cette approche, qui est liée à la maladie, on a commencé à parler de condition homosexuelle, qui met l’accent sur une manière d’être déterminée. Un tel changement, cependant, n’a pas été suffisant pour mettre fin au rejet social de l’amour entre pareils » (Homoaffectivité : un nouveau substantif). Remarquons, par la même occasion, qu’il est impossible de passer par une traduction littérale, à moins de créer le néologisme « homosexualisme » qui n’existe pas dans la langue française, et que le portugais présente des nuances qui nous sont inconnues, les dictionnaires lusophones comportant des entrées distinctes pour les termes homossexualismo, homossexualidade et homoafetividade.

[11] Sur le thème de l’activisme judiciaire en Amérique latine, v. p. ex. : Newton Tavares Filho, Juger des lois. L’activisme du Tribunal suprême du Brésil, L’Harmattan, Logiques juridiques, 2020 ; Juan Silva Meza, « La Cour suprême de justice de la Nation du Mexique. La Révolution mexicaine des droits de l’homme », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n°39, 2013, [https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/la-cour-supreme-de-justice-de-la-nation-du-mexique-la-revolution-mexicaine-des-droits-de-l-homme], 15 février 2023.

[12] Nous choisissons de traduire Supremo Tribunal Federal par « Cour suprême fédérale » dans la suite de ces développements. Nous pensons, en effet, que la traduction « par calque » conduirait à un contresens sur la nature de cette institution. Par analogie avec le raisonnement tenu par Sylvie Monjean-Decaudin à propos du Tribunal constitucional espagnol (Sylvie Monjean-Decaudin, La traduction du droit dans la procédure judiciaire. Contribution à l’étude de la linguistique juridique, Dalloz, Bibliothèque de la Justice, 2012, p. 228 et p. 382), nous considérons que l’usage du mot « Tribunal » dans les langues espagnoles et portugaises ne peut pas toujours être retranscrit par celui de « Tribunal » et qu’il doit parfois être traduit par le mot « Cour », en fonction des attributions qui sont celles de la juridiction en question. Le problème de la désignation se pose moins au Mexique, où la Cour suprême se dénomme Suprema Corte de Justicia de la Nación.

[13] Conseil constitutionnel, France, 17 mai 2013, décision n° 2013-669 DC, dossier documentaire (annexe) : éléments de comparaison, en ligne [https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/2013669dc/annexedoc.pdf], 16 février 2018.

[14] Cour constitutionnelle belge, 1er mars 2012, décision n°5134.

[15] Cour constitutionnelle espagnole, 6 novembre 2012, sentencia n°198/2012.

[16] Cour constitutionnelle portugaise, 9 avril 2010, acórdão n°121/2010.

[17] Cour constitutionnelle portugaise, 9 of april 2010, ruling n° 121/2010, [https://www.tribunalconstitucional.pt/tc/en/acordaos/20100121s.html], 16 février 2023.

[18] Mathilde Kamal-Girard, « Traduire : une stratégie d’influence dans les cours constitutionnelles des États unilingues de l’Europe de l’Ouest », Revue du droit public, n°1-2023, 2023, p. 153..

[19] En témoigne ainsi la quasi-absence des références aux systèmes juridiques latino-américains dans les divers manuels dédiés à cette matière en France : René David, Camille Jauffret-Spinosi, Marie Goré, Les grands systèmes de droit contemporains, Dalloz, Précis, 12e éd., 2022 ; Marc Peltier, Les grands systèmes juridiques, Bréal, Droit, 1re éd., 2021 ; Michel Fromont, Grands systèmes de droit, Dalloz, Mémentos, 8e éd., 2018 ; Raymond Legeais, Grands systèmes de droit contemporains. Approche comparative, LexisNexis, Manuels, 3e éd., 2016 ; Éric Carpano, Emmanuelle Mazuyer, Les grands systèmes juridiques étrangers, Gualino, Mémentos, 2009 : cet ouvrage consacre un développement substantiel au Brésil, mais n’a pas été actualisé depuis sa parution.

[20] Le comparatisme avec l’Amérique latine n’est pas entièrement exclu, mais semble relever d’une préoccupation récente, pour le moment essentiellement se trouver abordé par des thèses de doctorat ou des ouvrages spécifiques sur une thématique donnée. Parmi les ouvrages doctoraux, v. dans une période récente, et sans exhaustivité : Mariana Almeida Kato, La transparence de la justice constitutionnelle : une étude de droit comparé (France, Brésil, États-Unis), thèse, Droit public, Université Reims Champagne-Ardennes, 2021 ; Zérah Brémond, Le territoire autochtone dans l’État postcolonial : étude comparée des États issus de la colonisation britannique et hispanique, Institut francophone pour la justice et la démocratie, collection des thèses, 2021 ; Carolina Cerda-Guzman, Codification et constitutionnalisation, thèse, Droit public, Université Bordeaux 4, 2010 ; Mayara Lemos Paes Gonçalves Da Silva, Les décisions ‘interprétatives’ en droit comparé français, brésilien et espagnol, thèse, Droit public, Université Paris 1 Sorbonne, 2019 ; Lina Malagón Penen, Les mouvements sociaux, le droit et la justice constitutionnelle : L’exemple du mariage pour tous en France et en Colombie, thèse, Sociologie du droit, Paris 2 Assas, 2021. V. également les ouvrages publiés dans la collection « Droit comparé » chez l’Harmattan, dont : Carlos Bernal Pulido, Du néoconstitutionnalisme en Amérique latine, L’Harmattan, Droit comparé, 2015 ; Arnaud Martin, Président et régime présidentialiste en Amérique latine, L’Harmattan, Droit comparé, 2018 ; Florian Savonitto (dir.), « Dictatures » et consultations électorales en Europe et aux Amériques, L’Harmattan, Droit comparé, 2021. On peut enfin citer une œuvre globale qui prend en compte l’ensemble des régions géographiques : Guillaume Tusseau, Contentieux constitutionnel comparé. Une introduction critique au droit processuel constitutionnel, LGDJ, 2021.

[21] La première de ces chroniques est parue en 2022 : Jordane Arlettaz, Carolina Cerda-Guzman, Alice Mauras, Leonardo Tricot-Saldanha, « Droit constitutionnel latino-américain. Chronique de l’année 2021 », Revue française de droit constitutionnel, 2022/3, n° 131, 2022, p. 741 à 765.

[22] Loi n° 19075 de matrimonio igualitario, 3 mars 2013.

[23] L’expression est de José Antonio Moreno Rodriguez, Professeur à l’Université d’Asunción au Paraguay (José Antonio Moreno Rodriguez, « Le droit et l’Amérique latine : un terrain de rêve pour le comparatiste », in Le droit comparé au XXIe siècle, Enjeux et défis, Journées internationales de la Société de Législation Comparée, 8-9 avr. 2015, SLC, p. 127 et s.).

[24] Argentine : Loi n° 26.618 de Matrimonio Igualitario, 21 juillet 2010 ; Uruguay : Loi n° 19075, Loi de matrimonio igualitario, 3 mars 2013.

[25] Cour suprême fédérale du Mexique, Plen., Acción directa de inconstitucionalidad n° 2/2010, 17 août 2010 ; resolución 43/2015, 12 juin 2015.

[26] Chili : Loi n° 21.400 modifica diversos cuerpos legales para regular, en igualdad de condiciones, el matrimonio entre personas del mismo sexo, 10 décembre 2021.

[27] Cuba : Loi n° 156/2022 “Código de las familias”, 25 septembre 2022.

[28] Cour suprême fédérale du Brésil, ação direta de inconstitucionalidade n° 4277, Distrito Federal, 5 mai 2011.

[29] Cour constitutionnelle de la Colombie, 28 avril 2016, sentencia n° SU214/16.

[30] Cour suprême du Costa Rica, chambre constitutionnelle, 8 août 2018, sentencia n° 2018-012782.

[31] Cour constitutionnelle de l’Équateur, 12 juin 2019, sentencia n°       11-18 CN/19 (matrimonio igualitario).

[32] « Homoafetividade », Dictionnaire Michaelis, [https://michaelis.uol.com.br/moderno-portugues/busca/portugues-brasileiro/homoafetividade/], 9 février 2023 : « Vínculo entre pessoas do mesmo sexo, marcado por afetividade, emoções, sentimentos e desejos ». Nous traduisons.

[33] John Langshaw Austin, Quand dire c’est faire, Seuil, Sciences humaines, 1991.

[34] L’espagnol comme le français donne au terme « igualitario » un aspect dynamique, ainsi en espagnol, on pourra définir « igualitario » comme « que entraña igualdad o tiende a ella » (« igualitario », Dictionnaire Real Academia Española, [https://dle.rae.es/igualitario], 16 février 2023) ce que nous traduisons par « qui comporte l’égalité ou tend vers elle » ; en français « égalitaire » a pour signification « Qui donne à des personnes ou à des valeurs des droits, une importance qui ne présentent pas de différence » (« égalitaire », Dictionnaire Trésor de la Langue française, [URL : http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=1336968315;r=1;nat=;sol=1;], le 16 février 2023).

[35] Article 172 du code civil argentin : « El matrimonio tendrá los mismos requisitos y efectos, con independencia de que los contrayentes sean del mismo o de diferente sexo ».

[36] Article 83 du code civil uruguayen, « El matrimonio civil es la unión permanente, con arreglo a la ley, de dos personas de distinto o igual sexo ».

[37] Cela est le propre de systèmes hybrides, comme le sont souvent les pays d’Amérique latine (René David, Camille Jauffret-Spinosi, Marie Goré, op. cit., p. 18) : « les droits qui se rattachent à la famille romano-germanique en dehors de l’Europe demanderaient sans doute à être placés dans des groupes distincts. Ainsi, en Amérique latine, on assiste à un certain « éclectisme », à des expériences juridiques qui ne permettent pas d’intégrer sans nuances les États de cette région dans la famille des droits civilistes ».

[38] Cour suprême fédérale du Brésil, Ação direta de inconstitucionalidade n° 4277, Distrito Federal, 5 mai 2011 : « é de proibição do preconceito em função do modo sexual de ser das pessoas ».

[39] Cour suprême du Mexique, 19 juin 2015, tesis n° 1a./J. 43/2015 (10a.) : « Pretender vincular los requisitos del matrimonio a las preferencias sexuales de quienes pueden acceder a la institución matrimonial con la procreación es discriminatorio, pues excluye injustificadamente del acceso al matrimonio a las parejas homosexuales que están situadas en condiciones similares a las parejas heterosexuales ».

[40] Cour constitutionnelle de la Colombie, 28 avril 2016, sentencia SU214/16 : « sistema constitucional democrático en matrimonio igualitario entre parejas del mismo sexo – No admite la existencia de dos categorías de ciudadanos: unas mayorías que gozan del derecho a contraer matrimonio civil y unas minorías que están injustamente desprovistas de éste ». Nous traduisons par : système constitutionnel démocratique relatif au mariage égalitaire entre couples du même sexe – n’est pas admise l’existence de deux catégories de citoyens : une majorité qui jouit du droit de contracter mariage et une minorité qui est injustement privée de ce droit.

[41] Celles-ci sont largement tributaires de l’interprétation donnée par la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme. À ce sujet, v. infra.

[42] Ley 21.400 modifica diversos cuerpos legales para regular, en igualdad de condiciones, el matrimonio entre personas del mismo sexo, 10 décembre 2021, art. 1er : « Introdúcense las siguientes modificaciones en el Código Civil:  1. Modifícase el artículo 31, en el siguiente sentido: a. Sustitúyese, en su inciso primero, la expresión « marido o mujer » por « cónyuge » ».

[43] Ley 156/2022 « Código de las familias”, 25 septembre 2022, art. 201.

[44] Cour suprême fédérale du Brésil, Ação direta de inconstitucionalidade n° 4277, Distrito Federal, 5 mai 2011 : « é constitutiva dessa entidade que tanto merece a proteção especial do Estado, a que chamamos família ».

[45] Dominique Rousseau, Radicaliser la démocratie, Seuil, 2015.

[46] « Régime parlementaire » in Michel de Villiers, Armel Le Divellec (dir.), Dictionnaire de droit constitutionnel, Sirey, Dictionnaires Sirey, 13e éd., 2022, p. 330 et s. (voir p. 331).

[47] Pour un changement de paradigme à cet égard, nous renvoyons à Marie-Claire Ponthoreau (dir.), La dénationalisation de l’enseignement juridique : comparaison des pratiques [actes de la journée d’études du 13 novembre 2015, Université de Bordeaux, Institut universitaire Varenne, Colloques & essais, 2016.

[48] V. p. ex. : Jean Gicquel et Jean-Eric Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, LGDJ, Précis Domat, 36e éd., 2022, p. 169 ; « Régime présidentiel » in Michel de Villiers, Armel Le Divellec (dir.), Dictionnaire de droit constitutionnel, Sirey, Dictionnaires Sirey, 13e éd., 2022, p. 333 et s. (voir p. 334) ; Louis Favoreu et al., Droit constitutionnel, 25e éd., Dalloz, Précis, p. 477-478.

[49] « Cour suprême » in Bastien François (dir.), Les mots-clés du droit constitutionnel, 1re ed., Dalloz, À savoir, 2017, p. 43.

[50] « Cour constitutionnelle », Ibid., p. 42.

[51] Decreto por el que se reforman diversas disposiciones del código civil para el
distrito federal y del código de procedimientos civiles para el distrito federal, Gaceta oficial del distrito federal, 29 décembre 2009, p. 525 : « Artículo Primero.- Se aprueba la modificación de los artículos 146, 237, 291 bis, 294, 391 y 724 del Código Civil para el Distrito Federal, para quedar como sigue:

Artículo 146.- Matrimonio es la unión libre de dos personas para realizar la comunidad de vida, en donde ambos se procuran respeto, igualdad y ayuda mutua. Debe celebrarse ante el Juez del Registro Civil y con las formalidades que estipule el presente código ».

[52] Cour suprême fédérale du Mexique, Plen., Acción directa de inconstitucionalidad n° 2/2010, 17 août 2010.

[53] Cour suprême fédérale du Mexique, 12 juin 2015, resolución 43/2015.

[54] Code civil colombien, art. 113 (ancienne version) : « El matrimonio es un contrato solemne por el cual un hombre y una mujer se unen con el fin de vivir juntos, de procrear y de auxiliarse mutuamente ». Nous soulignons et nous traduisons.

[55] Cour constitutionnelle de Colombie, 20 juin 2010, sentencia C-577/11. Sur cette jurisprudence, lire not. : Daniel Bonilla, « Parejas del mismo sexo en Colombia: tres modelos para su reconocimiento jurídico y político », Anuario de Derechos Humanos, 2010, p. 183, [https://www.corteidh.or.cr/tablas/r29390.pdf], 15 février 2023.

[56] Cour constitutionnelle de Colombie, 28 avril 2016, sentencia n° SU214/16.

[57] Cour suprême du Costa Rica, 8 août 2018, voto n° 2018-012782.

[58] Cour constitutionnelle de l’Equateur, 12 juin 2019, sentencia n° 11-18-CN/19 (matrimonio igualitario).

[59] « Question préjudicielle » in Serge Guinchard et Thierry Debard (dir.), Lexique des termes juridiques 2022-2023, 30e éd., Dalloz, Lexiques, 2022, p. 875.

[60] Cour interaméricaine des droits de l’Homme, 24 novembre 2017, Opinion consultative n° OC-24/17.

[61] François Ost, Michel Van De Kerchove M., De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles, Presses de l’Université Saint-Louis, 2002.

[62] « État unitaire », in Michel de Villiers et Armel Le Divellec (dir.), op. cit., p. 169.

[63] « État fédéral », Ibid, p. 165.

[64] Ibid., p. 166.

[65] Constitution de l’Équateur: « Capítulo segundo Función Legislativa. Art. 120.- La Asamblea Nacional tendrá las siguientes atribuciones y deberes, además de las que determine la ley: 6. Expedir, codificar, reformar y derogar las leyes, e interpretarlas con carácter generalmente obligatorio ». Nous traduisons par : Chapitre deux Fonction législative. Art. 120.- Le Parlement a les attributions et devoirs suivant, en plus de ceux déterminés par la loi : 6. Etablir, codifier, modifier et abroger les lois, et les interpréter par principe de manière  obligatoire.

Constitution de l’Uruguay : « Seccion V – Del poder legislativo. Capitulo I. Artículo 85. A la Asamblea General compete: 1°) Formar y mandar publicar los Códigos ». Nous traduisons par : Section V. Du pouvoir législatif. Chapitre I. Article 85.  Le Parlement a compétence pour : 1°) Rédiger et publier les Codes.

[66] Constitution du Chili : « Materias de Ley. Artículo 63. Sólo son materias de ley: 3) Las que son objeto de codificación, sea civil, comercial, procesal, penal u otra ». Nous traduisons par : Domaine de la loi. Article 63. Le domaine de la loi est constitué uniquement de : 3) Celles qui font l’objet d’une codification, soit civile, commerciale, processuelle, pénale ou autre.

Constitution de Colombie : « Capitulo 2 De los derechos sociales, económicos y culturales. Artículo 42 al. 9. Las formas del matrimonio, la edad y capacidad para contraerlo, los deberes y derechos de los cónyuges, su separación y la disolución del vínculo, se rigen por la ley civil ». Nous traduisons par : Chapitre 2 Des droits sociaux, économiques et culturels. Article 42 al. 9. Les formes du mariage, l’âge et la capacité pour le contracter, les devoirs et les droits des époux, leur séparation et la dissolution du lien sont régis par la loi civile.

[67] Constitution de Colombie : « Capitulo 2 De los derechos sociales, económicos y culturales. Artículo 42 al. 1. La familia es el núcleo fundamental de la sociedad. Se constituye por vínculos naturales o jurídicos, por la decisión libre de un hombre y una mujer de contraer matrimonio o por la voluntad responsable de conformarla ». Nous traduisons par : Chapitre 2 Des droits sociaux, économiques et culturels. Article 42 al. 1. La famille est le noyau fondamental de la société. Il est constitué par les liens naturels ou juridiques, par la décision libre d’un homme et d’une femme de contracter mariage ou par la volonté responsable de s’y conformer.

[68] Loi n° 19075, Loi de matrimonio igualitario, 3 mars 2013.

[69] Loi n° 21.400 modifica diversos cuerpos legales para regular, en igualdad de condiciones, el matrimonio entre personas del mismo sexo, 10 décembre 2021.

[70] Uruguay, Loi n° 19075, Loi de matrimonio igualitario, 3 mars 2013, art. 14 modifiant les articles 214 et s. du code civil ; Chili, Loi n° 21.400 modifica diversos cuerpos legales para regular, en igualdad de condiciones, el matrimonio entre personas del mismo sexo, 10 décembre 2021, art. 1, al. 2, introduisant l’article 34 du code civil.

[71] Chili, Loi n° 21.400 modifica diversos cuerpos legales para regular, en igualdad de condiciones, el matrimonio entre personas del mismo sexo, 10 décembre 2021, art. 1, al. 2, introduisant l’article 34 du code civil.

[72] Maria Rota, « La Cour interaméricaine des droits de l’Homme défend-elle mieux les personnes migrantes ? », Plein droit, 2019/2, n°121, p. 45-48.

[73] Ibid.

[74] Constitution de l’Equateur, art. 69 : « Para proteger los derechos de las personas integrantes de la familia: 1. Se promoverá la maternidad y paternidad responsables; la madre y el padre estarán obligados al cuidado, crianza, educación, alimentación, desarrollo integral y protección de los derechos de sus hijas e hijos, en particular cuando se encuentren separados de ellos por cualquier motivo ». Nous traduisons par : Pour protéger les droits des membres de la famille : 1. La maternité et la paternité responsables sont encouragées ; la mère et le père sont obligés de soigner, éduquer, nourrir, pourvoir au développement intégral et à la protection des droits de leurs filles et fils, en particulier lorsqu’ils se trouvent séparés d’eux quel qu’en soit le motif.

[75] Félix Danilo Malla-Patiño et José Luis Vázquez-Calle, « La adopción homoparental en el Ecuador », FIPCAEC (Edición. 23) Vol. 6, Año 6, Enero-Marzo 2021, p. 557 et s., [https://www.fipcaec.com/index.php/fipcaec/article/view/355/635], 15 février 2023.

[76] Cour constitutionnelle colombienne, sentencia C-577/11, 2011.

[77] Cour constitutionnelle colombienne, sentencia T-276-12, 2012 ; SU617/14, 2014 ; C-683/15, 2015.

[78] Esteban Arrieta, « Por primera vez en la historia un juzgado de familia validó adopción para una pareja del mismo sexo », LaRepublica.net, 21 juillet 2022, [https://www.larepublica.net/noticia/por-primera-vez-en-la-historia-un-juzgado-de-familia-valido-adopcion-para-una-pareja-del-mismo-sexo], 14 février 2023.

[79] Constitution de l’Argentine : « Capítulo Cuarto Atribuciones del Congreso, artículo 75 al. 12 : Corresponde al Congreso: Dictar los Códigos Civil, Comercial, Penal, de Minería, y del Trabajo y Seguridad Social, en cuerpos unificados o separados, sin que tales códigos alteren las jurisdicciones locales, correspondiendo su aplicación a los tribunales federales o provinciales, según que las cosas o las personas cayeren bajo sus respectivas jurisdicciones ».

[80] Argentine, Loi n° 26.618 de Matrimonio Igualitario, 21 juillet 2010.

[81] Cour suprême fédérale du Brésil, Recurso extraordinário, 5 mars 2015, n° 86.102.

[82] Luis Rivera-Vélez et Morgane Reina, « Introduction. Les droits LGBTQIA+ en Amérique latine : une reconnaissance sous tension », n° 98, Dossier Une « révolution des droits » LGBTQIA+ en Amérique latine, Cahiers des Amériques latines, 2021, [https://journals.openedition.org/cal/13864], 16 février 2023.

[83] Ibid.

[84] Rosen Lawrence, Law as Culture: An Invitation, Princeton University Press, 2008.

[85] Luis Rivera-Vélez et Morgane Reina, loc. cit.

Recensions d’ouvrages

Par Linda AMIRI

Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Guyane

Aux marges de l’histoire coloniale, la Guyane française des XVIIe et XVIIIe siècles est un espace atypique aux frontières politiques contestées et indécises. Sous les règnes de Louis XIII et Louis XIV, la colonisation du territoire est périlleuse. Malmenées par les Pays-Bas et l’Angleterre, les prétentions françaises finissent toutefois par s’imposer en 1674, dans un contexte géopolitique marqué par la traite transatlantique et la guerre de Hollande. Pour autant, la colonisation peine à se développer, la présence française effective est instable et souffre d’une administration coloniale esseulée. Si l’hinterland guyanais échappe aux autorités coloniales, le littoral permet une installation européenne qui pose « les fondements d’un environnement social, culturel, économique qui marquera durablement la Guyane jusqu’à aujourd’hui » (Van den Bel, Collomb, 2021).

Effleurée par l’historiographie française, l’histoire de la Guyane à l’époque moderne nécessite une analyse multi-échelle que l’accès à des sources dispersées rend complexe. C’est là que se situe tout l’intérêt du travail de Martijn Van den Bel et Gérard Collomb : permettre aux chercheurs l’accès à des sources plurilingues rares et parfois inédites sur les débuts de la colonisation européenne. Spécialistes de la Guyane dans deux disciplines distinctes – l’archéologie (Van den Bel) et l’anthropologie (Collomb)- ces deux chercheurs ont entrepris une œuvre scientifique de longue haleine en exhumant un imposant corpus agrémenté d’une chronologie détaillée et d’un glossaire.

Publié en deux volumes, l’ouvrage La colonisation de la Guyane 1626-1696 permet de mieux saisir les particularismes de ce siècle. On aurait pu reprocher aux auteurs de ne donner la parole qu’aux Européens et d’offrir ainsi un regard ethnocentré sur ce que fut la colonisation de ce territoire amazonien. Si la voix des colonisés se fait trop timidement entendre[1] dans ces deux volumes, le souci constant des auteurs de vouloir resituer chaque document dans son contexte historique, de l’agrémenter d’un appareil de notes et de publier des sources secondaires comme Les vocabulaires galibi de Paul Boyer et Antoine Biet, offrent des clefs de lecture essentielles à une bonne compréhension des peuples vivant en Guyane au XVIIe siècle.

En choisissant de sillonner les bibliothèques et centres d’archives afin d’offrir à un large public un corpus stimulant, Martin Van Den Bel et Gérard Collomb contribuent à une meilleure connaissance de l’histoire de la Guyane à l’époque moderne et offrent un bel exemple de recherche interdisciplinaire.

[1] Quant aux esclaves, rappelons qu’au XVIIe siècle la Guyane reste à la périphérie du commerce triangulaire : d’une centaine sous l’ère hollandaise (1656-1664), leur nombre augmente pour atteindre 1422 en 1677 selon un recensement établi par le Gouverneur du territoire.

Résumés d’ouvrages

Par Jean-Michel BEAUDET

Professeur des Universités, Université Paris Nanterre

 

iaepo ipila upa                                               ils s’enivrent, les poissons

iaepo ipila upa                                               ils s’enivrent, les poissons

iwa’a iliyuile ipo                                de l’écume du bassin

iaepo ipila upa                                               ils s’enivrent, les poissons

iwa’a iliyuile ipo                                de l’écume du bassin

iaepo ipila upa                                               ils s’enivrent, les poissons

 

Cet ouvrage est une anthologie de grands chants cérémoniels en langue wayãpi. Les chanteurs, danseurs et danseuses, et celles qui ont brassé et offert la bière de manioc sans laquelle il n’y aurait pas de cérémonie, pas de danse ni de chant, vivent sur le haut Oyapock, fleuve faisant la frontière entre la Guyane et le Brésil, au nord-est de l’Amazonie. Le wayãpi appartient à la grande famille des langues tupi-guarani, parlées en Argentine, en Uruguay, au Paraguay, en Bolivie, au Brésil et en Guyane.

Ce recueil de chants est d’abord conçu comme un support de transmission. Et cela de plusieurs manières : l’enregistrement, l’écoute, la transcription et la traduction de ces chants ont été l’occasion de très nombreux échanges intergénérationnels, dont ce volume est en même temps une image et le résultat. Cet ouvrage est conçu comme un objet actif. Lors de ces travaux de traduction collective, ces chants ont œuvré comme des témoins culturels. Ils ont produit de la reconnaissance, et simultanément, de la connaissance historique, linguistique, sociale, poétique. Chacun, chacune se trouvait pleinement acteur et actrice d’un processus commun de construction de connaissance. Grands-pères, grands-mères, jeunes gens et jeunes femmes en dialogue, différentes générations produisant ensemble leur philologie et leur science historique nouvelles. Enfin, ce recueil est aussi une image de la fierté de tout un peuple, une fierté pour la richesse de ses cérémonies dansées, grandes fêtes pleines de vie qui donnent de la force à chacun et à tous.

Mots clefs : Amazonie, Tupi-guarani, Wayãpi, chant, rite, écologie.

Par Paul ROSELE CHIM

Professeur des Universités en économie

Université de Guyane

 

La revue Amazonienne d’Études du Développement International et du Management (AJIDMS) publie depuis 2021 des articles en français et en anglais. Les travaux publiés portent sur l’économie, le management et le droit. Ils relèvent aussi d’autres disciplines des sciences sociales traitant de thématiques axées sur les problèmes sociétaux de développement. Cette revue confirme le cheminement d’expériences conduites par les chercheurs et les analystes de tous les domaines disciplinaires sur les questions de développement en Amazonie et dans la Caraïbe.

L’organisation des rencontres entre les chercheurs en Sciences économiques et Sciences sociales, Management, Techniques quantitatives, Sciences juridiques, Lettres et Arts de cette région du monde est stimulée dans le cadre de l’équipe interne BETA EMADD BIO, qui fait partie du laboratoire de recherche MINEA (UR 7485) de l’Université de Guyane. L’équipe BETA EMADD BIO joue un rôle significatif dans la publication de l’AJIDMS. L’intégration de toutes les approches du développement et des problématiques transversales permet de mieux éclairer la connaissance des grands territoires de l’Amazonie. L’AJIDMS poursuit une vision d’étude du développement international ouverte sur tous les espaces du monde. L’immensité de l’Amazonie et du plateau des Guyanes reste aux prises avec des pays émergents, de nouveaux pays industriels et des pays en développement performants. Leur succès dans la régionalisation, la globalisation et la mondialisation dépend de la crédibilité des stratégies et des modèles appliqués pour atteindre des objectifs durables.

Dans l’AJIDMS, plusieurs chroniques traitent de l’activité de recherche en sciences économiques et en gestion sur une longue période. On y trouve des réflexions sur la problématique des déchets et de l’orpaillage illégal : Paul Roselé Chim (2021 et 2023), Guylaine Bourguignon (2021 et 2023), et Pierre Laporte (2023). Des études de spécialistes comme celles de Bertrand Panhuys sur le sport au cœur des enjeux en Guyane française (2021), ou de Mamadou Diallo (2021) sur le financement des entreprises de petite taille apportent un éclairage particulier sur les questions de développement. En sciences de gestion, la complexité de l’évaluation de la performance des entreprises dans les départements d’outre-mer est interrogée. Mickaël Cita étudie par exemple le cas de la Martinique et de la Guadeloupe (2023).

Les travaux publiés par l’AJIDMS utilisent des méthodologies croisées. Ils offrent une connaissance sur des problématiques auxquelles la Guyane est confrontée, et que l’on retrouve dans d’autres pays. Corinne Landais examine le tourisme en termes d’avantage comparatif culturel pour la Caraïbe (2021). Bernard Poirine analyse le tourisme en Polynésie française en mettant en évidence la stratégie, la concurrence et la compétition de ces îles dans le marché mondialisé du Pacifique (2021).

Plusieurs articles de l’AJIDMS s’inscrivent dans une perspective internationale. Par exemple, Hobisoa Razafindramanana traite du développement à Madagascar (2023). Paul Roselé Chim étudie la trajectoire de la migration entre Haïti, le Chili, la Guyane française et le Brésil, tout en exposant des données statistiques sur le sujet (2023). La coopération régionale entre le Brésil et Cuba est étudiée sous l’angle du droit interne par Sophie Brudey (2023). Chantal Prévot analyse le mystère du capital à travers un regard sur l’indivision successorale en Amazonie française et dans l’océan Indien (2023). S’appuyant sur une base de données conséquente, Ibrahima Dia traite des motivations des femmes entrepreneures dans le secteur informel à Dakar au Sénégal (2021). Mohamed Kayal apporte un éclairage sur le secteur touristique au Sénégal tout en établissant un lien entre celui-ci et les effets du changement climatique (2023).

 

D’autres articles traitent de questions diverses. Michel Dispagne et Paul Roselé Chim analysent la qualification du jeune public sur le marché du travail selon la méthode des pratiques langagières (2021). Appollinaire Anakesa Kululuka examine les politiques néolibérales (2021) et Nestor Radjou présente une réflexion sur le modèle standard du développement des sociétés (2023).

Thèses soutenues

Amenda Bron,  thèse de doctorat soutenue à l’Université de Guyane, le 22 janvier 2022.

Directeur de thèse Paul Roselé Chim, Professeur des universités

 

La thèse porte sur le développement de l’écotourisme en Guyane française et au Suriname. Elle soutient que l’écotourisme n’est pas suffisamment développé dans ces deux pays du plateau des Guyanes malgré l’importante richesse en biodiversité qu’ils possèdent. Il existe un écart de développement entre ce département français d’Outre-Mer et ce pays indépendant.

La thèse entend répondre à la problématique suivante : l’écart de développement entre la Guyane Française et le Suriname se traduit-il dans le domaine de l’écotourisme ? Si tel est le cas, quelles leçons peut-on en tirer ?

Pour répondre à cette problématique et rédiger cette thèse, une revue de la littérature sur le tourisme a été constituée, des rapports et des résultats d’enquête ont été consultés, des touristes, les populations locales et les différents acteurs du secteur touristique ont été questionnés, et des enquêtes de terrain et des visites de sites écotouristiques ont été réalisées.

Au terme de ce travail, la réponse à la problématique reste subjective. L’écart de développement sur le terrain d’étude résulte de plusieurs facteurs, notamment d’ordre institutionnel, géopolitique, financier et réglementaire dans le domaine touristique. En dépit des initiatives de coopération entre les deux pays, les échanges informels priment sur les échanges formels (immigration, orpaillage clandestin, etc.). Dans le domaine du tourisme, l’échange est uniquement conséquent dans le sens de la Guyane vers le Suriname. Après les Pays-Bas, la Guyane est le deuxième pays de provenance des touristes au Suriname.

Moustapha Aladji, thèse de doctorat soutenue à l’Université de Guyane, le 19 octobre 2022.

Directeur de thèse Paul Roselé Chim, Professeur des universités

 

En Guyane, la diversité de la population résulte de vagues migratoires successives. Dans les années 1960, la population de la Guyane était constituée principalement de Créoles, de Noirs marrons, d’Asiatiques et de Métropolitains. Cette diversité s’est accrue avec l’arrivée d’immigrants du Brésil, d’Haïti, du Guyana, du Suriname et de Sainte-Lucie. Jusqu’aux années 1980, les grandes vagues d’immigration étaient liées aux troubles politiques et économiques dans les pays voisins, tels que Haïti, le Suriname et le Guyana. Aujourd’hui, la Guyane reste un pôle d’attraction pour les migrants en raison de ses opportunités économiques et de sa perméabilité géographique. En 2020, les immigrés représentaient 30 % de la population guyanaise, le taux le plus élevé au niveau régional en France.

La thèse analyse l’impact de l’immigration en Guyane sur les plans économique, social et culturel. Tout en s’appuyant sur les théories de la migration, elle examine plusieurs thématiques parmi lesquelles l’influence de l’immigration sur le développement, les facteurs qui expliquent l’immigration en Guyane, et le lien entre l’immigration et le chômage. Elle est composée de deux parties. La première traite du contexte de la migration et du développement, tandis que la deuxième se penche sur les facteurs explicatifs de l’immigration et le marché du travail en Guyane. La thèse considère que l’immigration a une influence positive sur le développement économique lorsqu’elle est bien encadrée. Les immigrants contribuent à la richesse économique et culturelle du pays d’accueil.

La thèse souligne également l’intérêt de l’adoption de politiques migratoires efficaces. Elle insiste sur l’importance du soutien apporté aux immigrants, qui permet de maximiser les avantages de l’immigration tout en minimisant ses inconvénients. Elle appelle également à une meilleure compréhension de la contribution des immigrants à la société guyanaise et à la reconnaissance de leur rôle dans le développement de ce territoire.

Bibliographie francophone sur l’Amérique latine, l’Amazonie et la Caraïbe. Sélection 2022-2023. Par Emmanuel GUEMATCHA

OUVRAGES 

Bonilla Lydie Oiara, Des proies si désirables: les Paumari d’Amazonie brésilienne, Toulouse, Presses Universitaires du Midi, 2022, 357 p.

Boyer-Araújo Véronique, Le puzzle amazonien : positionnements ethniques et mobilisations sociales, Paris, CNRS Editions, 2022, 191 p.

Clerc Isabelle, Le jaguar, la dame blanche et l’anaconda: une initiation en Amazonie colombienne, Muret, Aluna Éditions, 2022, 264 p.

Constant Fred. Géopolitique des Outre-Mer. Entre déclassement et (re)valorisation, Le Cavalier Bleu, 2023, 208 p.

De Granville Jean-Jacques et Jean-Pierre Gasc, Tropiques du chercheur : Récits de missions naturalistes à une époque révolue, Paris, Editions Sépia, 2022, 229 p.

Descola Philippe et Philippe Munch, Les lances du crépuscule: relations Jivaros, Haute-Amazonie. Paris, Plon, 2022.

Dian Romain, Humain: du monde de la nuit à l’Amazonie, Paris, Éditions Eyrolles, 2022, 357 p.

Ibba Ludovic et Carla Jiménez. Journal d’expéditions en Amazonie: du fleuve à l’océan, de l’océan à la forêt. Marseille, Éditions du Chemin des crêtes, 2022, 238 p.

Louault Frédéric, Margaux de Barros et Kevin Kermoal (dir.), Marges et marginalités au Brésil : espaces, pouvoir et société, Bruxelles, Editions de l’Université libre de Bruxelles, 2022, 369 p.

Niel Colin, Darwyne: roman, Arles, Éditions du Rouergue, 2022, 277 p.

Pacheco de Oliveira João, La naissance d’une nation : Formation des altérités au Brésil, traduit par Cristina Moreno, Thara Corredor, Alicia Rinaldy, Paris, éditions de l’IHEAL, 2022, 432 p.

Rostain Stéphen, Histoire de l’Amazonie, Paris, PUF, Collection Que sais-je, 2022, 125 p.

Schonfeld Eliott, Amazonie: sur les traces d’un aventurier disparu, Paris, Éditions Payot & Rivages, 2022, 189 p.

Schweizer Daniel, Une odyssée amazonienne : vingt ans de combat engagé au côté des derniers Indiens, Lausanne, Favre, 2022, 222 p.

Vanhecke Charles, Le Brésil sans Bolsonaro, Paris, L’Harmattan, 2022, 197 p.

Viana-Martin Eden, Nadine Laporte, José Luís Jobim, et Maria Elizabeth Chaves de Mello (dir.), Dialogues France-Brésil: territoires, représentations, imaginaires, Pau, Presses universitaires de Pau et des Pays de l’Adour (PUPPA), 2022, 415 p.

 

ARTICLES

Aubertin Catherine, « Fictions amazoniennes », Pour la Science, vol. 544, no. 2, 2023, pp. 18-18.

Chambouleyron Matias, « Les transports sous Bolsonaro : le néolibéralisme à marche forcée », Problèmes d’Amérique latine, vol. 119-120, no. 1-2, 2022, pp. 189-205.

Choquet Pierre-Louis, « Vicente Cañas, une conversion amazonienne », Études, no. 12, 2022, pp. 81-92.

De Almeida Paulo Roberto, « Les relations internationales du Brésil, de 2019 à 2022 », Problèmes d’Amérique latine, vol. 119-120, no. 1-2, 2022, pp. 33-43.

Dolo Nicolas, « Bilan de quatre années de présidence Bolsonaro », Problèmes d’Amérique latine, vol. 119-120, no. 1-2, 2022, pp. 63-71.

Drouhaud Pascal, « Amérique latine. Brésil : une puissance régionale à la croisée des chemins », Revue Défense Nationale, vol. 857, no. 2, 2023, pp. 125-130.

Drouhaud Pascal, « Amérique latine. Pérou : les enjeux d’une profonde crise nationale », Revue Défense Nationale, vol. 858, no. 3, 2023, pp. 121-126.

Drouhaud Pascal, « L’Amérique latine : enjeux et perspectives internationales », Revue Défense Nationale, vol. 855, no. 10, 2022, pp. 103-110.

Erikson, Philippe, « Chacho rësho, la « grippe des cochons » : l’impact du Covid-19 sur les Chácobo d’Amazonie bolivienne », L’Homme, vol. 242, no. 2, 2022, pp. 121-140.

Handschumacher Pascal, et al, « Entre inégalités et idéologies, le Covid-19 aux temps de Jair Bolsonaro », Problèmes d’Amérique latine, vol. 119-120, no. 1-2, 2022, pp. 93-123.

Kourliandsky Jean-Jacques, « Brésil 2018/2022 : Une démocratie précarisée », Problèmes d’Amérique latine, vol. 119-120, no. 1-2, 2022, pp. 45-61.

Le Tourneau François-Michel. « Ne pas faire, laisser faire, empêcher de faire : la politique du gouvernement Bolsonaro pour affaiblir les droits fonciers amérindiens », Problèmes d’Amérique latine, vol. 119-120, no. 1-2, 2022, pp. 159-187.

Lopez Mauricio, « Bartimée, un paradigme pour le chemin synodal. Quelques enseignements de la première Assemblée ecclésiale d’Amérique latine et des Caraïbes », Nouvelle revue théologique, vol. 144, no. 3, 2022, pp. 424-434.

Parthenay Kevin, « La diplomatie des vaccins anti-Covid en Amérique latine et Caraïbe. Repenser la dichotomie dépendance versus autonomie », L’Académie des sciences morales et politiques éd., Annuaire français de relations internationales. 2022. Éditions Panthéon-Assas, 2022, pp. 343-362.

Pavé Marc, « Entre Brésil et Guyane Française (XVIIe-XIXe siècle), frontières ou confins ? », Problèmes d’Amérique latine, vol. 119-120, no. 1-2, 2022, pp. 225-241.

Rostain Stéphen et Geoffroy de Saulieu, « Marcher en Amazonie », in Frédérique Andry-Cazin, Nathalie Ginoux (dir.), Révélations de l’archéologie des routes : De la préhistoire à l’époque moderne, Dijon : Édition Faton, 2023, p. 36.

Rubens Pedro, « L’œcuménisme aux prises avec le pentecôtisme à la brésilienne. Regard sud-américain », Revue Lumen Vitae, vol. lxxvii, no. 4, 2022, pp. 425-429.

Sabourin Éric, et al, « Les politiques agricoles sous Bolsonaro », Problèmes d’Amérique latine, vol. 119-120, no. 1-2, 2022, pp. 73-91.

Salama Pierre, « Brésil, une économie à la croisée des chemins », Problèmes d’Amérique latine, vol. 119-120, no. 1-2, 2022, pp. 13-32.

Sydow Johanna et al, « Les défis du devoir de vigilance environnementale en Amérique latine », Frédéric Thomas éd., Multinationales : en finir avec l’impunité ? Éditions Syllepse, 2022, pp. 133-153.

Thébaux Priscilla, Christelle Gramaglia et Damien Davy. « Le pont sur l’Oyapock : entre ouverture et fermeture. Les paradoxes d’un objet socio-technique qui lie et qui délie », Problèmes d’Amérique latine, vol. 119-120, no. 1-2, 2022, pp. 209-224.

Théry Hervé, et Daniel Dory, « Brésil : bilan du mandat présidentiel 2019-2022 », Problèmes d’Amérique latine, vol. 119-120, no. 1-2, 2022, pp. 9-11.

Théry Hervé et Daniel Dory, « Éditorial. Problèmes d’Amérique latine se restructure… », Problèmes d’Amérique latine, vol. 119-120, no. 1-2, 2022, pp. 5-5.

 

THESES DE DOCTORAT

Cognet Arthur, Des récits de la colonisation : Ethnogenèse, tradition orale et nationalisme chez les Napo Runa d’Amazonie équatorienne, Thèse de doctorat, Université Lumières (Lyon), 2022.

Ricaud Oneto Emmanuelle, Le goût de l’État en Amazonie péruvienne : ethnographie comparative d’un programme national d’alimentation scolaire entre les Maijuna et les Napuruna, Thèse de doctorat, École des hautes études en sciences sociales (Paris), 2022.

OUVRAGES

Bélénus René, Les abolitions de l’esclavage aux Antilles et en Guyane françaises: 1794-1848. Fort-de-France, Exbrayat, 2022, 375 p.

Besnard Lionel, Musiques ultramarines: trésors discographiques des caraïbes, océans indiens & pacifique, Marseille, Le mot et le reste, 2022, 262 p.

Bonnefoy Baptiste Paul, Au-delà de la couleur: Miliciens noirs et mulâtres de la Caraïbe (xviie-xviiie siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022, 299 p.

Fawaz Rania, Ange-Mireille Gnao, Wilsonn Labossière, et Gabriel Wawa Matondo (dir.), Investir dans l’agriculture en Afrique et dans les Caraïbes: les chemins du succès dans le secteur agricole, Paris, l’Harmattan, 2022, 250 p.

Ghachem Malick W., L’Ancien Régime et la Révolution haïtienne, Traduit de l’anglais par McGarry Pascale. Karthala, 2022, 358 p.

Guibert Jean-Sébastien et Boris Lesueur, Entre exclusif et contrebande: les navigations commerciales aux Antilles (1600-1830), Paris, l’Harmattan, 2022, 294 p.

Hurbon Laënnec, Esclavage, religions et politique en Haïti, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2023, 252 p.

Joseph-Dezaize Gabriel, et Pierre Batteux, L’histoire mondiale des pirates: depuis l’Antiquité, des Caraïbes à la mer de Chine, Paris, National Geographic, 2022, 143 p.

Léziart Françoise (dir.), Porto Rico: une île des Caraïbes bien singulière… : entre américanisation et hispanité, Pointe-à-Pitre, Presses universitaires des Antilles, 2022, 169 p.

Lozère Christelle. La croisière du tricentenaire des Antilles et de la Guyane: construction d’un imaginaire transatlantique. Paris, Hémisphères éditions : Maisonneuve & Larose nouvelles éditions, 2022, 189 p.

Meynen Nicolas, Maurice Rollet de l’Isle (1859-1943): Martinique, Pointe-à-Pitre, Presses universitaires des Antilles, 2022, 115 p.

Nina Daniel, Les Caraïbes en exil, Traduit par et Françoise Léziart, Genève, 5 sens éditions, 2022, 91 p.

Pagney Bénito-Espinal Françoise (dir.) et AIHP-GEODE, Îles en devenir: des Antilles et d’ailleurs. Paris, France: Éditions Karthala, 2022, 304 p.

Pierre-Justin Virapatirin Johanna. La Petite Économie Insulaire de la Guadeloupe. Bilan, enjeux et perspectives. L’Harmattan, 2022, 202 p.

Potoczny Martine, Ateliers d’artistes en Caraïbe. Martinique, Cuba, Presses universitaires des Antilles, 2022, 296 p.

Providence Christophe, Les paradoxes du changement en Haïti: Politiques publiques et développement territorial, Pointe-à-Pitre, Presses universitaires des Antilles, 2022, 189 p.

Robillard Guillaume, Le cinéma antillais: conquête de l’espace et du temps, Paris, Éditions Jannink, 2022, 214 p.

Schwarz-Bart Simone et André Schwarz-Bart, Hommage à la femme noire, Lamentin, Martinique, Guadeloupe, 2022, 134 p.

Tardieu Jean-Pierre, « La crainte des « noirs français » dans la Caraïbe et l’Amérique espagnoles (fin XVIIIe-debut XIXe siècles) », Annales historiques de la Révolution française, vol. 410, no. 4, 2022, pp. 75-99.

Valentino Ruddy, « La Covid-19 en Martinique : l’impasse vaccinale », Israel-Jost Vincent, Weil-Dubuc Paul-Loup (dir.), Éthique vaccinale. Ce que nous a appris la crise sanitaire, in  Érès, 2023, pp. 17-28.

Vignoli Alessia, La catastrophe naturelle en littérature: écritures franco-caribéennes, Paris, L’Harmattan, 2022, 253 p.

Weiss Pierre Olivier et Maurizio Alì (dir.), L’éducation aux marges en temps de pandémie: précarités, inégalités et fractures numériques, Pointe-à-Pitre, Presses universitaires des Antilles, 2022, 492 p.

 

ARTICLES

Audebert Cédric, « La Caraïbe, un espace géostratégique au cœur des enjeux de la mondialisation », Annuaire français de relations internationales, « Hors collection », 2022, pp. 329-342.

Bonbonne Cathy et Marie-Paule Poggi, « Usages sociaux et didactiques de l’eau en contexte scolaire guadeloupéen », Carrefours de l’éducation, vol. 54, no. 2, 2022, pp. 99-114.

Gordien Ary, « Dénonciation du « racisme anti-blancs » en Guadeloupe : les origines post-esclavagistes d’une polémique contemporaine », Mouvements, vol. s2, no. HS, 2022, pp. 154-167.

Lebleu Théophile, « L’internat dans les Antilles-Guyane, psychiatrie de la carte postale », L’information psychiatrique, vol. 98, no. 8, 2022, pp. 705-706.

Lopez Mauricio, « Bartimée, un paradigme pour le chemin synodal. Quelques enseignements de la première Assemblée ecclésiale d’Amérique latine et des Caraïbes », Nouvelle revue théologique, vol. 144, no. 3, 2022, pp. 424-434.

Parthenay Kevin, « La diplomatie des vaccins anti-Covid en Amérique latine et Caraïbe. Repenser la dichotomie dépendance versus autonomie », Annuaire français de relations internationales, 2022, pp. 343-362.

Peyen Loïc, « La gestion de l’eau et des milieux aquatiques dans les départements et régions d’Outre-mer », Revue juridique de l’environnement, vol. 48, no. 1, 2023, pp. 45-54.

Stahl Lucile, « L’extension de la définition juridique des aires marines protégées aux Outre-mer », Revue juridique de l’environnement, vol. 48, no. 1, 2023, pp. 203-216.

Wald Lasowski Aliocha, « Chapitre 2. Philosophe des Caraïbes », in Wald Lasowski Aliocha (dir.) Édouard Glissant. Artisan du Tout-monde, Michalon, 2023, pp. 33-52.

Yché André, « Outre-mers : un devoir de réalisme », Revue Défense Nationale, vol. 858, no. 3, 2023, pp. 79-87.

 

THESES DE DOCTORAT

Ardanu, Nathalie, Le bèlè de Martinique: catégories de genre et genres de pratiques, Thèse de doctorat, Université des Antilles, 2022.

Carra Peguy, Contribution à la connaissance des milieux humides des Petites Antilles: l’exemple des mares de la Martinique, Thèse de doctorat, Université des Antilles, 2022.

Domergue Sylvain, La construction régionale de la sécurité maritime: une étude de la région maritime interaméricaine, Thèse de doctorat, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2022.

Dorce Milcar Jeff, La protection internationale des investissements dans la Caraïbe: une mosaïque complexe de méfiance et d’adaptation, Thèse de doctorat, Université de Bordeaux, 2022.

Queffelec Alain, Parures amérindiennes en matériaux lithiques dans les Antilles à l’âge Céramique: de la caractérisation à la répartition spatiale et chronologique, Thèse de doctorat, Université de Bordeaux, 2022.

Robyns Maxence, Une histoire du risque, du naufrage et de la sécurisation maritime dans les Petites Antilles au XIXe siècle: l’exemple de la Martinique, Thèse de doctorat, Université des Antilles, 2022.

Rodriguez Yoselin, Amérique latine et Caraïbes à l’UNESCO: les enjeux du patrimoine dans les relations internationales (1960-2015), Thèse de doctorat, Université Paris-Saclay, 2022.

OUVRAGES

Alexandre Régine, Sarah Ebion, Philippe Guyot, Lydie Ho-Fong-Choy Choucoutou, Sidonie Latidine, et Aude Désiré Sardaby, Les résistances à l’esclavage en Guyane: XVIIe-XIXe siècles, Matoury, Ibis rouge Éditions, 2022, 104 p.

Bélénus René, Les abolitions de l’esclavage aux Antilles et en Guyane françaises: 1794-1848. Fort-de-France (Martinique), France: Exbrayat, 2022, 375 p.

Ferrarini Hélène, Allons enfants de la Guyane: éduquer, évangéliser, coloniser les Amérindiens dans la République, Toulouse, Anacharsis, 2022, 285 p.

Ibba Ludovic et Carla Jiménez, Journal d’expéditions en Amazonie: du fleuve à l’océan, de l’océan à la forêt, Marseille, France: Éditions du Chemin des crêtes, 2022, 238 p.

James Loe-Mie Françoise, Adé, la Majorine de l’Oyack: théâtre, Matoury, Ibis rouge Éditions, 2022, 89 p.

Kwadjani Olson, De la défiance coloniale: chroniques d’un jeune Marron guyano-surinamais, Paris, Les impliqués éditeurs, 2022, 126 p.

Léobal Clémence, Ville noire, pays blanc: Habiter et lutter en Guyane française, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2022, 189 p.

Lozère Christelle, La croisière du tricentenaire des Antilles et de la Guyane: construction d’un imaginaire transatlantique. Paris, Hémisphères éditions : Maisonneuve & Larose nouvelles éditions, 2022, 189 p.

Malgoyre Antoine, L’essentiel de la fiscalité en outre-mer: Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte, Malakoff, Dunod, 2022, 209 p.

Maurice Edenz, Guyane, la promesse républicaine: faire France outre-mer, 1920-1980, Paris, Les Indes savantes, 2022, 309 p.

Meunier Olivier, Scolarisation, bilinguisme et cultures amérindiennes en Guyane française, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022, 291 p.

Monnerville Gaston, L’affaire Galmot: le procès des émeutiers de la Guyane, Matoury, Ibis rouge éditions, 2022, 80 p.

Montford Thierry, Guyane, 7000 jours en forêt. Remire-Montjoly, France: Editions Plume Verte, 2022, 144 p.

Morel Anne-Marie, La Guyane au fil du temps…de la sueur et du sang: chronologie historique et comparative de l’histoire de la Guyane, de l’Afrique et de l’Europe des origines à nos jours, Paris, Sydney Laurent Editions, 2022, 654 p.

Nuissier Errol, Le cyclisme, miroir et espoir des sociétés aux Antilles et en Guyane: Un vélo dans la tête, Paris, Éditions Sépia, 2022, 161 p.

Pereira Ivete Machado de Miranda, Une histoire oubliée: la Guyane française sous l’occupation portugaise, 1809-1817, Paris, Les Indes savantes, 2022, 486 p.

Puzenat François, Un maître d’école chez les Amérindiens Wayanas, 1994-2005: Guyane, département 973, Paris, Pippa, 2022, 323 p.

Quélard Patrice, Les incorrigibles, Paris, Plon, 2022, 422 p.

 

ARTICLES

Asensio Laura, « Jeunesse de Guyane et transport incorporé de drogue : à la recherche de sens d’une « parole bâillonnée » », Le Journal des psychologues, vol. 399, no. 7, 2022, pp. 55-60.

Autrive Élise, « La prise en charge socio-sanitaire des populations vulnérables dans l’agglomération de Cayenne (Guyane française) : acteurs pivots et trajectoires de soins », Santé Publique, vol. 34, no. HS1, 2022,

Clarke Loreinzia et al. « La population âgée en Guyane : état des lieux et enjeux pour le système de santé », Santé Publique, vol. 34, no. 5, 2022, pp. 695-707.

Fondation Danielle Mitterrand, « Le combat pour les terres et l’autodétermination des peuples autochtones en Guyane », in Fondation Danielle Mitterrand (dir.), Donnons vie aux utopies. Pour une métamorphose radicale, Érès, 2023, pp. 99-108.

Garnier Marine et Inès Spaëth, « Santé mentale en Amazonie : approche et enjeux d’une équipe mobile auprès des Amérindiens Wayanas », Rhizome, vol. 83, no. 2, 2022, pp. 70-77.

Pavé Marc, « Entre Brésil et Guyane Française (XVIIe-XIXe siècle), frontières ou confins ? », Problèmes d’Amérique latine, vol. 119-120, no. 1-2, 2022, pp. 225-241.

Thébaux Priscilla, Christelle Gramaglia, et Damien Davy, « Le pont sur l’Oyapock : entre ouverture et fermeture. Les paradoxes d’un objet socio-technique qui lie et qui délie », Problèmes d’Amérique latine, vol. 119-120, no. 1-2, 2022, pp. 209-224.

 

THESES

Aladji Moustapha, Migration, efficacité des structures et équilibre du développement, Thèse de doctorat, Université de Guyane, 2022.

Bron Amenda, Croissance et développement durable de la branche éco-touristique dans les trois pays du plateau des Guyanes, Brésil, Surinam, Guyane Française, Thèse de doctorat, Université de Guyane, 2022.

Charlety Xavier, Perceptions et impacts de l’obligation vaccinale contre le COVID-19 parmi les professionnels du secteur de la santé de Guyane, Thèse de doctorat, Aix-Marseille Université, Faculté des sciences médicales et paramédicales, 2023.

Ho-Sack-Wa Badamie Mireille, La perlerie amérindienne de Guyane, Thèse de doctorat, Université de Guyane, 2022.

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